| | Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste | |
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Auteur | Message |
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| Sujet: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Lun 4 Jan 2010 - 0:08 | |
| Je compte poster ici quelques textes que j'écris pour moi-même que je ne compte jamais publier. Si un jour j'arrive à terminer un foutu projet, j'voudrais bien publier, mais en ce moment c'est pas dans ce que je considère comme la limite du possible. Bref, amusez-vous bien et postez vos commentaires, on a jamais fini de retravailler. Pour les curieux, non, Miro n'est pas mon vrai nom, c'est juste un nom de plume qui vient de loin. Je tiens aussi à préciser que les opinions que comportent ces textes ne sont pas nécessairement les miennes. Les textes choquants seront précédés d'un avertissement, alors pas de soucis. Une pièce de théâtre écrite il y a deux ans et demi. L'histoire originale a été écrite avec deux amis pour un projet scolaire et nous avions ensuite décidé de la transformer en pièce de théâtre complète pour ensuite la jouer. J'ai écrit cette version et j'ai joué le rôle de Lourdeau, l'apprenti. - Spoiler:
Trahison La musique « Le Port d’Amsterdam » de Jacques Brell retentit alors que Maître Pieddodu est assis sur un mur de pierre du port. La chanson continue pour une trentaine de secondes. Lourdeau fait son entrée et observe Maître Pieddodu.Narrateur : Maître Pieddodu, perché au sommet de son muret tenait en son bec une flûte de pan. Apprenti Lourdeau, qui passait par là, lui demanda… Lourdeau : Maître, ô mon maître, je vous implore de me communiquer votre savoir! Pieddodu l’observe d’un air totalement indifférent.Lourdeau, s’inclinant : J’ai besoin de votre savoir, du fabuleux don que vous possédez qui vous permet de transformer votre inspiration en une douce mélodie. Je dois apprendre à interpréter mes sentiments à travers votre instrument! Narrateur : Pieddodu avait toujours été un homme méfiant qui prenait toutes ses précautions. Il n’avait jamais eu d’apprenti, de peur qu’on lui vole son talent et qu’on l’utilise contre lui. Dans un monde où les artistes gagnent leur pain selon la générosité de leur public, se faire damer le pion peut être fatal. Mais Lourdeau savait à qui il avait affaire et, beau-parleur, il continua son récit. Lourdeau : Votre musique, paraît-il, apaise les douleurs de l’âme. Or, je veux redonner espoir à une âme perdue, tourmentée par la douleur et la souffrance du deuil. Seul un art aussi pur que le vôtre me permettrait d’y parvenir. Pieddodu : Vous me semblez bien hâtif d’apprendre les secrets de la musique. Rien ne me dit que vous défendez une cause assez noble pour être secourue… Lourdeau : Et pourtant, je défend la plus noble des causes. Je défend la cause de l’amour. Pieddodu : Une cause si noble et pourtant, si désespérée. L’amour est temporaire, incertain, ce n’est qu’une vague notion que les hommes ont défini pour justifier leurs désirs les plus intimes. La musique, elle, est bel et bien réelle. Elle obéit toujours à celui qui la joue. Elle est ce qu’elle doit être, rien de plus, rien de moins. Qui te crois-tu pour mériter le savoir éternel? Lourdeau : Mon nom est Auguste Lourdeau. Je suis poète et je travaille pour le Seigneur Florentin en tant qu’assistant de son ménestrel. Vivre de la poésie est un métier ardu et instable. Or, mon maître est mort dernièrement : une terrible grippe a eu raison de lui. Pieddodu, qui semble éprouver de la compassion : Mes condoléances, cher Lourdeau. Et comme s’il ne suffisait pas du décès de votre maître, vous vous retrouvez maintenant sans emploi. Lourdeau : Ce n’est pas la pauvreté qui m’accable. Je vous rappelle que je ne veux défendre que l’amour et non ma propre vie. Je veux redonner espoir à ma bien-aimée. Fille de mon maître aujourd’hui décédé, la mort de son père lui a ôté tout espoir de vivre. Je l’aime, je refuse de la voir dépérir. Seul un art aussi pur et beau que la musique lui redonnerait l’envie de vivre. Même si je ne suis pas celui qu’elle aime, la voir sourire de nouveau me comblerait plus que tout. Narrateur : Pieddodu, ému par l’histoire du jeune homme si pur, pourtant si inconnu, qui se tenait devant lui, eut un soudain élan de sympathie. Il n’avait jamais vu quelqu’un qui lui rappelait tant son triste passé. Pieddodu : Vous êtes définitivement un grand poète. Votre histoire m’a ému, rares sont ceux qui sont capables d’un tel exploit. Vous n’avez plus devant vous le Maître Pieddodu hautain et arrogant. Je vous comprend plus que vous ne le croyez, je suis prêt à vous aider. Vous ne voulez qu’apprendre la flûte de pan, dites-vous? Lourdeau acquiesce.Pieddodu : Et vous êtes prêt à tout pour devenir musicien? Même à abandonner tout ce que vous possédez sauf l’amour qui vous est si cher? Lourdeau acquiesce sans hésitations.Pieddodu : Nous commencerons donc dès demain. À chaque jour, vous vivrez dans les rues. Vous vivrez de votre nouvel art. Vous volerez votre nourriture si il le faut! Vous gagnerez vos écus à la sueur de votre front. Une fois par jour, du coucher du soleil jusqu’au plus sombre moment de la nuit, vous viendrez me voir et apprendrez la flûte de pan. Plus vous progresserez, plus vous gagnerez d’écus et plus vous pourrez manger à votre faim et dormir dans les auberges plutôt qu’avec les mendiants. Une vie de sacrifices vous permettra d’apprécier les belles choses de la vie et vous n’en serez qu’un bien meilleur musicien. Lourdeau : Bien, Maître! Combien de temps durera cet entraînement? Pieddodu : Lorsque tu seras capable de gagner autant d’écus que moi, tu seras toi aussi un grand musicien et je n’aurai plus rien à t’apprendre. Va, maintenant! Commence ta nouvelle vie de flûtiste des rues! Black-out. On entend un air de flûte. Le narrateur fait son entrée et on ne voit que lui dans la noirceur.Narrateur : Pendant un an, jour pour jour, Lourdeau suivit à la lettre les consignes strictes de son maître. Vivant dans les rues, achetant sa nourriture avec l’argent qu’il gagnait en jouant de la flûte de pan, ses débuts furent ardus. Il en devint un homme aux milles talents : il apprit non seulement les arts de la musique, mais aussi le métier de voleur. Lourdeau devint un homme très différent, bien différent de l’homme qu’il était lorsque, un an plus tôt, il était venu voir Pieddodu alors qu’il était assis sur son muret de pierre. Une fois l’apprentissage de Lourdeau terminé, le maître et le disciple se rencontrèrent une dernière fois, au même endroit où ils se voyaient chaque soir depuis un an… Pieddodu est assis sur son muret de pierre. Lourdeau entre en scène, il tient dans sa main un chapeau. Le maître descend de son muret alors que son disciple approche.Lourdeau : Regardez Maître, les écus! J’en ai trente-deux, autant que vous en avez eu hier et avant-hier! Pieddodu : Je peux donc mettre fin à ton entraînement. Tu as été un très bon disciple, ton avenir dans ce domaine est radieux. Lourdeau remercie son maître et est sur le point de partir.Pieddodu : Disciple, restez un instant! Lourdeau fige. Je me rappelle très bien de la première fois où nous nous sommes rencontrés. Vous me parliez alors d’une jeune fille au bord du désespoir, anéantie par la mort de son père. Pourtant, pendant un an, vous ne m’en avez plus reparlé. Qu’en est-il advenu? Lourdeau : Et bien elle… elle a le cœur léger grâce à vous, maître. Je vous en remercie et je… Pieddodu : C’est très étrange tout de même. Vous étiez si prêt à tout pour aider cette jeune femme au nom de l’amour et pourtant, vous ne m’en avez plus jamais reparlé. Auriez-vous oublié votre noble cause, ou était-elle inventée de toutes pièces? Lourdeau : Non maître, je ne veux pas vous… Pieddodu, D’un ton réprobateur : Lourdeau… Une musique (dramatique ou qui amplifie le suspens, au choix du metteur en scène) retentit.Lourdeau : Je… je m’étais renseigné sur vous. Votre passé, votre goût pour la poésie, tout. Je me suis fait passer pour quelqu’un qui était dans la même situation que vous il y a quelques années pour vous amadouer. Je savais que vous accepteriez si je vous prenais pas les sentiments. Vous tentez de la cacher mais, en fait, vous avez toujours cru en l’amour! Et quand votre bien-aimée s’est suicidée, vous avez… Pieddodu : Assez! Cessez de tourner le couteau dans la plaie! Pourquoi m’avoir trompé ainsi? Lourdeau : Pour devenir riche! Je voulais apprendre votre art et ensuite vous assassiner. Je serais devenu Maître Pieddodu, j’aurai eu vos habits, votre flûte, je jouerais de la même façon que vous. J’ai même eu le temps d’examiner vos tics, vos réactions, tout! Après votre mort, personne n’aurait deviné la supercherie! Pieddodu : Vous comptiez m’assassiner? Eh bien allez-y, je vous en donne la chance! Il écarte ses bras de chaque côté en position de croix et ferme les yeux.Lourdeau : Je ne peux pas, maître! Cette année d’errance passée à mendier m’a fait comprendre que la richesse n’était pas tout ce qui compte, dans la vie. C’est la façon que nous avons de voir la vie, de la vivre, qui compte. Je ne veux plus devenir riche et célèbre, je suis heureux comme je suis! Pieddodu : Vous manquez de jugeote! Tuez moi, nous verrons si vous êtes un homme! Lourdeau : Non maître, je ne vous tuerai pas! Pieddodu : Si vous ne me tuez pas, je continuerai ma carrière. Et partout où vous irez, on ne vous verra que comme un vulgaire imitateur de mon style musical. Vous êtes voué à l’échec. Si vous me tuez maintenant, vous vivrez. Sinon, vous mourrez de faim, sans le sou… Lourdeau : Je préfère encore vivre du vol. Pieddodu : Alors qu’attendez-vous avant de me tuer? Vous voulez que je vous tue à la place? Lourdeau : Vous n’oseriez pas! Pieddodu : Vous voulez que je perde patience? Finissons-en, tuez-moi ou je vous tuerai! Une musique de combat retentit. Lourdeau dégaine une dague et fonce vers Pieddodu, qui empoigne sa rapière. Suit un petit combat et Pieddodu l’emporte. Il recule de quelques pas et part avec dédain.Narrateur : Lourdeau aurait pu survivre et devenir riche comme il l’avait voulu alors qu’il se présenta à Pieddodu un an plus tôt. Pourtant, il avoua tout à son maître. Il fit comme la musique devait être : pure et vraie. Et son honnêteté, qu’il aurait pu remplacer par la fortune et la gloire, lui a coûté la vie. Même Pieddodu, le plus grand des maîtres, s’était trompé sur sa vision de la musique. La musique est le miroir de l’existence, elle est pure et vraie uniquement si celui qui la joue s’exerce avec pureté et vérité. Or, dans ce cas-ci, la musique ne fut que perfidie et trahison, elle aura donc amené Lourdeau à mourir au beau milieu du port et son cadavre sera jeté à la mer, comme les autres. Ce n’est que le juste balancier des choses…
Un texte fait pour un cours de Cégep. Contient des propos légèrement anarchiques qui pourraient choquer, à ne pas prendre au premier degré.- Spoiler:
Consultation Monarchique Je n’ai pas l’habitude de faire des consultations à domicile, mais cette fois-ci, je me suis dit que je pouvais bien faire une exception. Après tout, mon client est un cas particulier et, surtout, un cas particulier qui paie comptant. Du moins, c’est ce qu’il m’a promis en m’envoyant une lettre (quel genre de malade est-ce pour se servir du système postal?) me disant qu’il avait ardemment besoin de l’aide d’un psychologue. Juste dans son écriture, je peux voir qu’il s’agit d’un excentrique, mais après tout, je n’en suis pas à mon premier dans le genre. J’ai donc accepté sa demande assez rapidement, autant par bonne volonté que par curiosité. Nul besoin de dire que dans mon métier, on doit toujours se montrer réceptif et curieux. Il m’a fallu un bon bout de temps (et, avec le prix de l’essence de nos jours, près de la moitié de mon tarif pour une consultation) pour trouver la demeure de mon client. Pas qu’elle soit facile à manquer : il s’agit en fait d’un immense château fort en ruines au beau milieu d’une plaine adjacente à une autoroute. Si je dois avouer que c’est une demeure plutôt étrange, mon métier m’interdit de me surprendre de quoi que ce soit et j’ai tout bonnement stationné mon automobile devant le pont-levis abaissé. La structure de pierre est visiblement en train de s’effondrer, mais il est toutefois assez impressionnant de constater qu’elle a survécu aux siècles d’intempéries et, surtout, qu’elle soit apparue dans une région où aucun château fort n’a jamais été érigé. Ne pas se poser de questions. Passé le pont levis qui, je tiens à le préciser, est bâti au-dessus de douves dont l’eau prend une inquiétante teinte orangée (un orange presque effrayant, semblable à ces boissons radioactives que l’on donne aux enfants), j’arrive dans une large cour intérieure protégée par ce qui reste des remparts. Le seul bâtiment qui s’y trouve est une immense tour carrée, sûrement le donjon, vers laquelle je me dirige. Les portes sont ouvertes et j’entre sans prévenir. L’intérieur est bien sombre et silencieux, ce qui me fait un peu hésiter alors que je m’enfonce dans ce dédale de couloirs et de pièces. Les pièces, justement, sont étrangement vides. Celles qui contiennent un meuble ou une décoration (le propriétaire ayant sûrement tout dépensé pour acquérir le château et s’étant probablement retrouvé sans argent une fois rendu au IKEA) sont en infériorité et la plupart du temps, le meuble ou la décoration en question est brisé ou abimé. Peut-être pourrais-je en tirer un diagnostic! C’est après de longues minutes à chercher mon chemin que je suis enfin arrivé à l’étage du haut, dans une longue pièce rectangulaire tout aussi vide que le reste. Le seul meuble qui s’y trouve est une sorte de trône en bois au fond, sur lequel est assis un homme. Jugeant qu’il s’agit de mon client, je m’avance vers lui et remarque que son accoutrement est tout aussi étrange que son habitation. Il porte de vieux jeans noirs rapiécés, un t-shirt tout aussi noir sur lequel on peut lire une obscénité (que je refuse de détailler), une vieille cape (oui, oui, une cape, comme dans les films de mousquetaires) rouge vif en lambeaux et une grosse couronne sale, abimée, qui semble pourtant faite d’or massif. Sous ce drôle d’accoutrement, il semble horriblement maigre et ses yeux sont cerclés de cernes profonds et nombreux qui démontrent un grand manque de sommeil. À noter. J’approche de l’homme, qui lève à peine la tête vers moi pour prendre connaissance de ma présence. Tout en me présentant, je lui rappelle sa demande écrite et lui demande s’il n’y aurait pas un endroit plus approprié pour la consultation. D’un signe de tête, il me désigne le plancher et laisse sa tête tomber vers le dossier du trône. Sa couronne glisse vers l’avant de sa tête et lui couvre maintenant les yeux et le dessus de son crâne chevelu. Je tente de lui parler, mais il ne démontre aucune réaction. Tant pis, je cède à son caprice et m’assois par terre, ouvrant ma valise pour en sortir des papiers et un crayon. Ses yeux étant couverts, je me demande s’il ne serait pas endormi. Je débute donc, espérant qu’il m’entende. «Alors monsieur, de quoi avez-vous besoin de me parler si urgemment?» L’homme laisse s’écouler un silence et lentement, sans lever la tête ou bouger d’un seul cheveu, ouvre la bouche et me répond : «Je ne dois pas devenir maitre du monde.» En notant cette phrase sur papier, je me rends compte qu’elle est encore plus illogique et saugrenue qu’elle ne l’était avant d’être écrite. Quelle espèce de sujet cela puisse-t-il bien être? Je décide de lui demander quelques clarifications et voici donc ce qu’il me répond : «Si j’étais maitre du monde, je serais probablement le pire maitre du monde qui aurait jamais vu le jour.» Sceptique, je lui explique qu’il ne devrait pas se sous-estimer autant lorsqu’il parle de quelque chose qu’il n’a jamais pu essayer, mais avant que je ne termine ma phrase, l’effronté se permet de m’interrompre. «Si j’étais maitre du monde, vous seriez mort» est ce qu’il me répondit. Je dois avouer que je suis maintenant d’accord avec lui : il ferait un bien mauvais maitre du monde. Pourtant, il prend la peine d’en rajouter et cette fois, il n’y va pas de main morte, bien trop absorbé dans ses idées dépressives pour prêter attention à ce que je tente de lui dire. «Si j’étais maitre du monde, les psychologues, les hommes politiques, les avocats, les athlètes, les gens talentueux, les couples mariés ou non, les idiots, les gens trop beaux, les gens trop laids, les salopes, les narcissiques, les gens heureux, tous, ils finiraient tous jetés dans la même fosse avec le reste des déchets, matériels ou humains.» Un peu choqué par ce drôle de monologue, je fais remarquer à mon client que j’entre moi-même dans plusieurs des catégories mentionnées et que, pourtant, je suis ici, chez lui, en tentant de l’aider à se sortir de… de ça, peu importe ce que c’est. Il me répond alors que je ne suis ici que pour l’argent promis, ce que je m’empresse de démentir au plus vite. «Vous saurez, cher client, que j’ai un devoir en tant que professionnel et que ma paye n’est là que pour me permettre de l’accomplir!» que je lui dis, solennel. C’est là qu’il lève la tête vers moi, sans déplacer sa couronne, et qu’il ouvre un œil tout cerné pour me fixer d’un air dur. Sa bouche se déforme et son visage se crispe et, dans ce qui semble être un effort inhumain, sourit. «J’ai pas d’argent à te donner.» Je me relève d’un bond et commence à reprendre ma valise pour quitter, demandant des explications. «Je suppose que votre lettre n’était qu’un ramassis d’âneries, alors? Votre titre de noblesse serait-il aussi faux que votre argent?» Son sourire disparait aussitôt, mais il ne semble pas offusqué pour autant, juste épuisé de démontrer un peu d’amusement. «Non» dit-il. «Je suis vraiment roi, enfin, j’étais. Je possède encore mon titre, mes terres et le droit de vie ou de mort sur mon peuple, mais je n’ai simplement plus aucun contrôle. Je ne veux plus rien de tout ça. J’en ai marre d’être roi, je veux être maitre du monde.» En tentant de lui faire comprendre l’énorme contradiction dont il vient de me faire part, je me rends compte que je commence à hausser un peu le ton. Je ne vous le cacherai pas : je ne comprends pas du tout pourquoi cet homme a fait affaire à un psychologue. Où veut-il en venir avec cela? Question que je m’empresse de lui poser, pour me faire répondre ainsi : «Qu’allez-vous y faire?» Mon client a de nouveau le culot de couper toute possibilité de réponse et m’interrompt alors que je m’apprête à lui répondre. «Vous avez la prétention de dire aux gens que vous pouvez les aider et pourtant, vous restez un être humain avec des limitations aussi futiles telles que l’argent, la disponibilité et votre jugement!» Son poing vient heurter un des appuie-bras de son trône et ses dents supérieures vont se planter dans la lèvre du bas. J’ouvre de nouveau la bouche pour lui dire de se calmer, mais ne me laissant pas une seconde, il continue de monologuer! «De tous les gens du monde qui méritent de mourir, les premiers à monter sur l’échafaud quand je serai maître du monde seront les psychologues, les psychiatres et les travailleurs sociaux! Pour toute la prétention dont ils ont fait preuve, ces gens-là méritent de mourir!» Sa voix forte répercutée par l’écho, mon client semble gagner en confiance, mais aussi en frustration, deux choses qui s’avèrent très mauvaises lorsqu’on les combine. N’ayant que faire de ces menaces de mort déguisées, je termine mon rangement et quitte la salle du trône avec ma valise. «Vous me direz de revenir lorsque vous serez calmé» lui dis-je avant de lui tourner le dos. Je l’entends qui cogne ses pieds contre le sol, ses poings contre son trône, qui crie, qui jette sa couronne contre un mur, qui déchire sa cape en mille morceaux, qui mange ses souliers… bref, il délire. Mon expertise ne suffira pas pour un cas comme celui-ci, aussi vais-je donc en informer un collègue plus informé en maladies mentales sérieuses et espérer que cet homme ne gravisse jamais les échelons du pouvoir politique américain. Il en va de la survie de l’espèce. Marchant dans les couloirs du donjon, cherchant la sortie, je suis toutefois forcé de l’entendre cracher son fiel dans sa demeure vide, l’écho donnant à ses mots une puissance difficile à ignorer. «Le monde est irrécupérable! Il est pourri, pourri et brûlé jusqu’à la racine et il continue de pousser et de pousser, toujours plus! Il ne peut pas être sauvé, personne ne peut être sauvé de la bêtise humaine! Personne!»
Y'en a d'autres qui s'en viennent un peu plus tard! J'attends qu'il y aille une demande, niark niark niark! Un peu triste, par contre, que je doive garder mes textes préférés pour moi-même : je compte publier et je ne prends aucun risque pour ne pas qu'on me vole mon idée!
Dernière édition par Fabio Totman le Mar 5 Jan 2010 - 9:45, édité 1 fois |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Lun 4 Jan 2010 - 9:15 | |
| J'aime bien la première, la seconde un peu moins... Tu sais, si tu veux pas qu'on te pique tes fics... Y a un site pour ça. http://www.fictionpress.com est un site d'écriture. Les hisoires publiées dessus sont protégées par copyright, et les autres lecteurs peuvent venir faire des commentaires dessus (même si c'est souvent la croix et la bannière pour en obtenir XD) |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Lun 4 Jan 2010 - 9:33 | |
| D'abord, merci beaucoup d'avoir lu. Le premier était fait pour être présenté (même si je dois avouer qu'on a pas choisi un très bon public pour un tel genre, d'autres jeunes de quinze ans qui n'avaient rien à foutre du théâtre sérieux), alors que le deuxième était plutôt personnel. Je l'ai écrit sur une impulsion, en revenant d'une soirée de merde. Pour ce qui est de FictionPress, j'te remercie, je le connaissais pas. Par contre, j'ai déjà des lecteurs pour mes projets top-secrets et ça me suffit amplement, je n'ai pas envie de les poster avant de les avoir publiés ou, du moins, d'avoir essayé de publier. En voici un autre. Beaucoup de gens qui l'ont lu ont aimé ce texte-ci et je dois avouer que j'en suis vraiment très fier. J'étais même tellement fier du début que je n'ai jamais réussi à continuer l'histoire : tout ce que j'essayais d'écrire ne me semblait pas à la hauteur de ce que j'avais commencé et j'ai fini par perdre mon intérêt dans mon idée. J'ai aussi beaucoup bloqué sur les dialogues. Il date de trois ou quatre ans, quand j'étais encore dans un gros trip de fantastique, pour l'information. J'adore encore ça, mais je n'en lis plus et je n'en écris pas vraiment non plus. - Spoiler:
Sous Siège Le fer était si brûlant que j’avais peur que mes mains en fondent, mais cette chaleur me procurait un bien incomparable. Tout de même, j’avais bien hâte d’atteindre la dernière marche de ce satané escalier pour me réchauffer les mains sans risquer de les voir tomber! C’est en entendant le bruit de mes pas sur l’escalier de pierre et le tintement que les pattes du brasier produisaient en se cognant contre les marches que je me mis à me questionner sur les solides murs de pierre qui m’entouraient. À quoi diable servent donc ces murs? À nous protéger du froid? Bien sûr que non, la température est encore plus glaciale à l’intérieur, à moins que ça ne soit qu’une impression. Peut-être servent-ils à nous protéger des intempéries et des fléaux de Mère Nature. Sûrement pas, sinon, pourquoi nous feraient-ils rester dehors même lorsqu’il y a un orage? Et j’en suis finalement arrivé à une conclusion, après quelques minutes de questionnement, à me brûler les mains en tenant un brasier allumé et à écouter ce satané tintement qui allait me rendre complètement fou : les murs sont là simplement pour nous donner une impression de sécurité. Lorsqu’on prend le temps de s’arrêter et d’observer ce qu’il y a autour de nous, on peut être gagné par la peur de l’inconnu. Or, lorsque nous sommes entourés de ce que nous connaissons bien, l’assurance nous gagne. Nous pensons que les murs forment notre habitat, notre maison et, sans eux, nous ne pouvons vivre. L’homme a bâti des murs et en a fait sa maison. Pourtant, si nous n’avions jamais bâti de murs, serions nous les mêmes? Aurions-nous ce besoin de protection, ou aurions-nous trouvé cette protection au cœur même de la nature? Bien sûr, les marmottes vivent bien dans des terriers et les oiseaux dans des nids, mais ceux-ci n’ont pas de porte ou de défenses. On peut y entrer et en sortir aisément et la nature s’offre alors à nous. Donc, en gardant cette mentalité animale, peut-être serions-nous demeurés pacifiques les uns envers les autres. Si l’humain était un animal, serait-il moins stupide que ce qu’il est aujourd’hui? L’animal est-il donc plus intelligent que l’homme? C’est après m’être posé cette question que je me souvint des paroles de mon père lorsque je me questionnais sur de telles choses. « Tu réfléchis trop » me disait-il sans cesse. Pour lui, je m’attardais sur des sujets complètement inutiles qui ne valaient pas la peine d’être étudiés. Il fallait le comprendre : lorsque le seul défi que la vie nous offre se trouve à être un champs de blé, notre réflexion s’arrête bien souvent à ce même champs de blé. C’est précisément cela qui donne aux grands voyageurs cette sagesse qui leur est propre, eux qui sont si souvent confrontés à des problèmes auxquels les humbles paysans ne connaîtront jamais. Tout comme moi, en tant que garde du château d’Eldaar, qui commence à avoir des réflexions de plus en plus poussées sur le monde qui m’entoure. J’ai toujours été plus intelligent que la plupart des villageois et, depuis le début des hostilités avec le royaume voisin (dont je ne me souviens plus très bien le nom, moi qui a tant de difficulté à retenir ce genre de détails), je ne cesse de penser à des choses qui m’auraient été indifférentes il y a quelques mois. Pourtant, je n’aboutis jamais à une conclusion ou une réponse concrète et cette fois n’est pas une exception : je vois déjà la dernière marche de l’escalier de pierre qui vient mettre fin à mon questionnement et me procure du même coup une immense satisfaction en sachant que mes pauvres mains pourront enfin être éloignées de ces poignées de fer brûlantes. Lâchant une des poignées du brasier pour ouvrir la lourde porte de bois qui se dresse alors devant moi, j’aboutis enfin sur le rempart Est. Le fameux rempart Est, avec ses créneaux imposants, ses briques de pierre massives et ses gardes à l’œil vif (du moins, jusqu’à ce que ces satanées bourrasques glacées qui annoncent l’arrivée de l’automne se fassent sentir) qui se dressent tout en haut des tours de guet, scrutant l’horizon tel une bande de faucons à l’affût d’un rongeur qui se baladerait non loin. Pourtant, à bien y penser, ils n’ont rien d’une bande de faucons. À longueur de journée, ils regardent en direction du village en donnant l’impression qu’ils ont aperçu quelque chose d’intéressant ou de suspect, alors que la plupart sont si indifférent à leur travail qu’ils pourraient s’endormir contre un des énormes créneaux (malheureusement pour eux, personne ne pourrait s’endormir avec une température si glaciale). Du moins, ça, c’était il y a quelques mois, alors qu’il y avait encore un village non loin du château : les chaumières des paysans qui y habitaient ne servent plus à abriter leurs habitants, mais bien ceux qui sont venus les chasser. Greenvale, mon village natal, est tombé entre les mains de l’ennemi et n’est plus qu’un camp de siège où sont regroupés soldats, armes de siège et les quelques malchanceux qui ont été fait prisonnier lorsque le village a été attaqué. Et alors que je gravis l’étroit escalier de notre tour de guet, je ne peux penser qu’aux malheureux qui ont été exécutés, il y a quelques jours, pour nous démontrer que notre adversaire n’avait aucune pitié. Ils furent brûlés sur l’ancienne place publique, comme ceux que l’on accuse de sorcellerie, les uns après les autres. Quelques autres captifs furent épargnés, mais c’est probablement pour garder un avantage pour les négociations futures. À force d’observer le village à longueur de journée, je finis par me rendre compte que je me torture à me dire que je ne peux rien faire pour eux. C’est pour cette raison que j’ai décidé de me porter volontaire pour toutes les tâches qui me permettent de quitter « le nid de l’aigle », notre tour de guet : pour cesser de fixer ce satané camp de siège, ne serait-ce pour quelques minutes. C’est donc moi qui, depuis quelques jours, va chercher un brasier lorsqu’il fait froid et c’est donc pour cette raison que mes mains sont couvertes de brûlures lorsque je dépose enfin cette saleté brûlante sur le plancher de pierre qui couvre le sommet du nid de l’aigle. Tant de mal pour si peu de chaleur! Comme si la tâche ne fut pas assez ardue, il fallut ensuite que Nikos, mon compagnon de guet, me remercie de sa rengaine habituelle. - T’en as mis, du temps! marmonna-t-il de sa voix nasillarde. Par contre, du charbon, t’en as laissé pour les autres, y faut l’avouer. On va à peine en avoir pour quelques heures. - Ils ont commencé à rationner toutes les ressources, même le charbon, ajoutais-je. Si tu veux t’engueuler avec les distributeurs pour en avoir plus, tu iras chercher le brasier la prochaine fois. - Ils ont beau te donner toutes ces excuses bidon, tu ne t’es toujours pas rendu compte de ce qu’ils sont en train de faire? Ils se moquent de toi parce que tu es nouveau dans la milice. Ils t’en donnent moins pour qu’eux, les petits vauriens, en aient plus pour eux. Pendant qu’on gèle à faire le guet ici, eux, ils utilisent notre charbon pour chauffer l’eau de leur bain et nos couvertures pour s’essuyer lorsqu’ils en sortent. - Calme-toi, lui dis-je, tentant de le raisonner. Ce n’est pas en criant sur les nobles du château qu’ils vont te récompenser, au contraire. On est tous rationnés de la même façon, il va bien falloir qu’on s’y fasse. - Peut-être n’as-tu aucun orgueil, mais ce n’est pas mon cas et je vais leur prouver. Rationner ton charbon, c’est aussi rationner le mien et je prends ça comme une attaque personnelle! Je vais leur tomber dessus, moi! Comme pour ponctuer ses paroles, un volatile passant non-loin au-dessus de nous laissa alors tomber une énorme fiente qui s’écrasa directement sur le casque de Nikos avec une précision presque mortelle pour un tel projectile. Pendant quelques secondes, je demeura muet et contempla le visage de mon compagnon, déformé par une expression de dégoût qui aurait, selon moi, valu tous les morceaux de charbons du monde : ses yeux étaient encore plus exorbités qu’à l’habitude (ce qui était difficilement réalisable), son long nez se retroussait et je vit clairement sa moustache frémir de colère. Se retournant lentement en direction du volatile, mon confrère se mit à hurler une pléiade de jurons en direction de l’oiseau qui virevoltait au-dessus de nos têtes. C’est au son des injures que je compris alors que l’animal qui nous survolait était un des faucons que j’avais vu voler non loin de la fauconnerie à l’affût d’éventuels rongeurs à dévorer. « Notre tour de guet porte bien son nom » me dis-je alors que je tentai d’appeler le faucon pour qu’il vienne se poser sur mon avant-bras, comme les dresseurs lui avaient appris. L’oiseau, agité par les cris de mon compagnon, prit un peu de temps à atterrir sur mon bras, mais une fois que Nikos se fut calmé, je sentit les serres de l’animal se resserrer sur mon gant de cuir alors qu’il se posa. Je le contempla un instant. Le faucon était bel et bien un animal gracieux, mais je n’ai jamais compris pourquoi on y associait les nobles. Bien sûr, cet oiseau de proie avait beau dégager quelque chose d’imposant, de majestueux, je ne puis le comparer à un être humain, encore moins à un être corrompu par la luxure comme un seigneur. Observant les yeux de l’oiseau, je ressentis alors une certaine compassion pour lui et je me demandai alors si je le ramener à la fauconnerie était une bonne idée. Après tout, le laisser partir librement aurait été mon premier choix, mais Nikos eût alors le mot pour me convaincre de le ramener. « Cette fois, c’est le moment de me prouver que tu vaux la peine que je te garde dans mon estime, Edrick! » dit-il en essuyant d’un revers de la main la fiente d’oiseau sur son casque pour finalement frotter son gant sur un créneau pour enlever la saleté. « Tu vas descendre en bas et aller leur dire ce que je pense des petites sorties surprises que leurs oiseaux font de temps en temps près des tours. Si je revois encore cet oiseau de malheur nous survoler, une seule autre fois, tu peux être sûr que je te ferai plus jamais confiance! C’est le moment de faire tes preuves, je veux que tu t’imposes et que tu te fasses une place. Fais-toi respecter des plus haut-gradés, pour une fois. » Malgré les mots de Nikos, je n’avais pas particulièrement envie de me disputer avec le fauconnier et le simple fait de ramener le volatile dans la fauconnerie me semblait bien suffisant. Tout en descendant l’escalier de pierre de nouveau, avec cette fois un faucon au bout du bras, je me disais qu’il valait mieux endurer les frustrations de mon collège pendant quelques jours plutôt que de chercher des noises avec un noble et me retrouver avec des ennuis, aussi décidais-je de rendre le faucon à son propriétaire sans commentaires. Par contre, je compris que c’était aussi une occasion de profiter un peu du moment : il s’agissait là d’une autre excuse pour détourner mon attention du village et j’avais l’intention d’en profiter. Après tout, cette fois, je n’avais pas peur de voir mes mains fondre, je pouvais bien m’attarder une minute ou deux dans le dédale que formait le château. Achevant enfin ma descente de l’escalier de pierre, j’ouvris l’épaisse porte de bois qui débouche sur la grande cour où l’agitation était bien plus grande que sur les remparts. Soldats, forgerons, serviteurs, éleveurs et animaux se mêlent dans cette parade colorée, toutefois un peu désorganisée. Difficile de s’y retrouver dans une telle pagaille, là où l’air est à la fois imprégné de l’odeur des déjections d’animaux, de la fumée des fourneaux et du nettoyeur de fosses sceptiques qui fait sa ronde. Bref, il ne manquerait plus qu’une situation alarmante pour comparer cet endroit au chaos total. Heureusement, en cette journée, ce n’était pas le cas et je fus réjoui de constater que je n’aurai pas à braver d’incendie ou d’alerte militaire pour reconduire le faucon à son gîte. Toutefois, en avançant en direction de la petite tourelle de bois dans un coin de la grande cour, je remarqua alors à quel point celle-ci était déserte : pas l’ombre d’un fauconnier aux alentours, les grillages couvrant les murs de la fauconnerie ne laissant paraître que les silhouettes de quelques hiboux, aigles, faucons et autres chouettes. M’approchant lentement de la porte entrouverte de la petite construction, jetant un regard nerveux à gauche et à droite en espérant apercevoir un des dresseurs pour lui remettre le volatile, je décidais d’attendre quelques minutes avant de finalement entrer dans la volière. Après tout, je devais bien retourner à mon poste, mais le souvenir de la colère de Nikos me donna envie de rester encore quelques temps pour lui laisser le temps de se calmer, puisque je savais qu’il n’allait pas être fier de me voir revenir sans avoir pu imposer le respect des fauconniers. N’étant jamais entré dans une fauconnerie, je fus plutôt surpris par le changement de décor. Ce qui semblait être une petite cabane de bois décrépite de l’extérieur était en fait un univers tout à fait différent de l’intérieur : la noirceur qui y régnait, agrémentée d’une vive lumière tamisée par le grillage de fer, donnait l’impression d’être dans une sorte de paradis. Au-dessus de ma tête se trouvaient de nombreux oiseaux de proie, presque tous utilisés pour la chasse, se reposant sur leurs perchoirs, dévorant le contenu des mangeoires et dormant dans leurs nids. Observant les volatiles pendant quelques secondes, émerveillé, je relâcha ensuite le faucon pour qu’il aille rejoindre ses comparses, visiblement pressé d’être remis en liberté. Celui-ci se posa sur un perchoir, quelques mètres au-dessus de ma tête, pour ensuite m’observer d’un air territorial, comme si il tentait de me faire comprendre que j’étais de trop dans son petit jardin d’Éden. Je décida alors de me hâter avant que le volatile ne me réserve le même sort que Nikos, mais quelque chose attira mon attention : dans la faible lumière qui régnait dans la fauconnerie, je crus distinguer une vague forme blanchâtre, une silhouette claire qui se déplaçait lentement dans l’obscurité. Lorsque je me retourna en sa direction, je fus alors frappé par la beauté de la jeune femme qui se trouvait devant moi. Ce qui m’avait fait sursauter la seconde précédente m’avait complètement captivé et je ne pus m’empêcher de contempler celle qui venait d’entrer dans la fauconnerie. Lorsque j’étais à Greenvale, j’avais vu plusieurs jeunes filles que je trouvais belles. Chez chacune d’entre elle, je trouvais une beauté et m’efforçait ensuite à ne regarder que celle-ci, ce qui me donnait l’impression que toutes les femmes étaient belles. Par contre, lorsque mes yeux croisèrent les siens, des yeux d’un bleu semblable à l’éclat du plus beau des saphirs, ma vision de la beauté bascula d’un seul coup. Un coup rapide, étourdissant, mais ô combien agréable! Drapée sous une robe de soie d’un blanc immaculé se trouvait sa peau pâle, presque blanche, mais qui ne lui donnait aucunement un air faible ou malade. Bien au contraire, son teint mettait grandement en valeur la couleur bleu clair de ses yeux et le noir de jais de ses longs cheveux luisants qui lui tombaient jusqu’au bas du dos. Elle semblait plutôt jeune, non seulement en raison de sa petite taille, mais surtout grâce à ses traits qui avaient gardé un petit air d’enfant tout en étant bien définis : un court nez pointu et un menton légèrement prononcé agrémentaient son visage. Comme si ses traits ne frisaient pas déjà la perfection, il fallut que son corps soit aussi bien proportionné : ni trop maigre, ni trop grosse, ses hanches légèrement élargies laissaient paraître le début de sa croissance en une femme adulte. Peut-être n’était-ce pas la beauté évidente qui se dégageait de cette jeune fille, mais plutôt une apparence plutôt particulière, exotique, qui me fascinait tant. Qui qu’elle soit, cette nymphe n’avait rien à voir avec les filles que j’avais l’habitude de côtoyer dans mon village natal. Contrairement aux paysannes, elle avait des bras et des jambes minces ainsi que des mains fines qui ne portaient aucune cicatrices de travaux des champs. Son teint blanchâtre m’était complètement étranger, étant trop habitué au teint bronzé des femmes qui passaient toutes leurs journées dehors à travailler autour de la maison. Ses yeux restèrent toutefois le centre de mon attention : leur couleur, un bleu éclatant, m’était familière, mais ceux-ci avaient vraiment quelque chose de saisissant, malgré que je ne pus savoir de quoi il s’agissait. Cet instant, qui dura en fait entre une et deux secondes, me parut comme une éternité, comme un avant-goût du paradis qui m’attendait si je mourrais au combat pour défendre le château. Heureusement, en si peu de temps, je ne pus diriger mon regard vers certaines parties du corps de cette gente dame jugées plus désirables par certains hommes peu fréquentables, aussi la regardais-je dans les yeux jusqu’à ce qu’elle m’interpellât, ce qui me fit sortir de l’univers qu’elle venait tout juste de créer dans mon esprit. Sa voix me sembla moins mélodieuse que ce à quoi je m’attendais, mais ses mots sonnèrent toutefois comme une musique à mes oreilles, n’ayant aucunement perdu de son ton d’enfant. Par contre, encore trop envoûté par sa beauté, je ne pus m’attarder sur la signification des paroles qu’elle prononça et j’eus l’air du pire des cancres pendant une seconde qui me parut de trop. - Excusez-moi, auriez-vous vu une chouette grise s’aventurer par ici? me demanda-t-elle. - Quoi? - Auriez-vous vu une chouette grise voler autour de la fauconnerie? Je l’ai perdu de vue et je l’ai vu se diriger par ici. Sans lui répondre, perdant mes moyens pendant un moment, je me contenta de regarder au-dessus de moi pour tenter d’apercevoir cette fameuse chouette grise. Je n’eus aucun mal à la discerner des autres oiseaux, celle-ci se trouvant sur le perchoir le plus près du sol. La jeune femme sembla la voir en même temps que moi, émettant un « ah, la voilà ! » alors que je la vit. Elle tendit la main et appela la chouette par son nom, Airelle, l’invitant à venir la rejoindre. Le volatile ne sembla aucunement gêné par ma présence, se précipitant sur le doigt de la jeune fille. Après tout, si elle m’aurait appelé, j’aurais fait de même, mais il est question d’un oiseau, après tout! La fille au teint pâle caressa doucement l’animal de ses doigts fins, visiblement heureuse d’avoir retrouvé son oiseau. Je crus voir pendant un instant un sourire s’esquisser sur son visage, mais celui-ci disparut aussi vite qu’il fut apparut. Je fus alors frappé d’une profonde déception, non seulement parce que je n’avais pu voir le sourire de cette vision de beauté qui se tenait devant moi, mais surtout parce qu’une simple chouette avait eu beaucoup plus d’effet sur celle-ci que moi. J’avais beau vouloir de tout mon cœur qu’elle se retourne et se mette à me parler, je ne trouvais nulle part la force et le courage de l’aborder. Ce n’était pas vraiment la peur d’être rejeté qui m’envahissait, mais plutôt une sorte de crainte inexpliquée. Ce n’était pas comme la crainte du danger, de la mort ou de la souffrance. C’était la crainte de parler à cette femme pour ensuite la perdre, pour ne plus jamais lui reparler et la regarder de loin pendant le reste de mon existence. C’était comme si je la voyais mourir sous mes yeux alors qu’elle était bien vivante, devant moi. Je vis du sang, son sang bleuté, couler sur sa robe jusqu’à ce qu’elle n’eût plus la force de tenir debout. Je la vis, le teint plus pâle que ce que je pouvais imaginer, s’écrouler, sans vie. Morte. Lorsque je revins à la réalité, je la vis plus près de moi, son nez touchant presque le mien, sa main froide mais douce me touchant la joue, ses yeux inquiets, pleins de compassion. Je compris que j’étais presque tombé au sol, amortissant ma chute avec mon genou gauche de justesse, étourdi par les images qui avaient parcouru mon esprit. Ce fut un des moments les plus confus que je puisse me rappeler de ma vie : cette jeune fille que je venais à peine de rencontrer, que j’avais vu mourir pour ensuite la voir devant moi, inquiète, me demandant si je me sentais bien. J’eus, pendant un moment, envie de lui renvoyer la question, mais je préféra m’abstenir. J’étais encore trop confus pour comprendre ce qui m’arrivait, alors je me contenta de me relever, aidé de la jeune femme. La lumière faible de la fauconnerie me plongeait dans un état de transe, comme dans un rêve, aussi eus-je besoin d’un moment avant de me rendre compte de ce qui se passait autour de moi. Lorsque je fus bel et bien sûr que cette vision était fausse, je commença alors à me concentrer sur les paroles de la jeune fille. Il était ironique de constater qu’il y a quelques secondes, j’aurais tout donné pour lui parler et que, lorsqu’elle m’aborda, j’étais hésitant, presque effrayé de lui répondre. - J’ai cru que vous étiez sur le point de défaillir, me dit-elle de sa voix douce et aiguë. Heureusement que vous êtes encore dans la force de l’âge, sinon j’aurais eu de bonnes raisons de m’inquiéter. - Désolé de vous avoir fait peur, j’ai juste eu un petit malaise. Ça va passer, ne vous en faites pas. - Non, au contraire, je préfère m’inquiéter. Vous savez, je crois que vous êtes encore trop jeune pour faire un métier tel que celui d’homme d’armes. Vous ne devez pas avoir bien plus d’années que moi, non? Puis-je savoir quel est votre âge, si ce n’est pas indiscret? - J’ai dix-sept ans, votre majesté. - Votre majesté? répéta-t-elle en riant. Allons, je suis encore plus jeune que vous, pas besoin d’être si réservé avec moi. D’abord, je ne suis ni reine, ni princesse, seulement fille de marchand! Un marchand plutôt riche, certes, mais mon titre de noblesse n’est qu’un titre, pas une véritable marque de noblesse. La prochaine fois, j’aimerais que vous m’appeliez par mon nom. Pourrais-je vous demander le vôtre? Sa réaction m’avait surpris : on m’avait toujours dit que les nobles étaient, pour la plupart, des gens hautains. Nikos m’avait conseillé de toujours m’adresser à un noble en ajoutant « votre majesté » à la fin de mes phrases. Il disait sans cesse que, si le noble n’était pas à la hauteur du titre, il préciserait ensuite son titre et il suffirait de l’appeler par celui-ci. Si il l’était, et bien il suffisait de continuer à l’appeler « votre majesté ». Par contre, mon compagnon ne m’avait jamais dis ce que je devais faire si la personne en question refusait catégoriquement d’être appelée par un tel qualificatif. Je décida donc d’improviser et d’y aller avec mon instinct : après tout, ce n’était qu’une jeune fille comme toutes les autres. Seulement, ses yeux étaient trop beaux pour que je puisse prendre le risque de ne plus jamais les revoir! - Je me nomme Edrick, tout simplement. J’avais un nom de famille, plutôt un surnom, mais j’y ai renoncé parce que je trouvais que ça ne me ressemblait pas. Je préfère trouver mon vrai nom, que ce soit un titre honorifique ou un autre surnom. C’est ma quête, en quelque sorte. - Une quête pour trouver votre nom? C’est une bonne idée, je dois l’avouer! Si j’étais un seigneur, je vous confierai bien un titre tout de suite. - Quel titre me donneriez-vous? demandais-je, curieux. - Je ne sais pas, mais de toute façon, ça n’a pas vraiment d’importance, puisque je n’ai aucune chance de pouvoir le faire. À ce moment, je sentis que j’étais un peu trop réservé. J’eus l’impression qu’aux yeux de cette jeune fille, je n’étais rien d’autre qu’un garde parmi tant d’autres, rencontré par un pur hasard à la fauconnerie. Son image restera probablement longtemps gravée dans ma mémoire, mais je doutais que ce soit réciproque. Je préféra laisser le silence s’écouler pour un moment et, apparemment, la jeune fille fit de même. Après un moment de silence, je la crus sur le point de partir, alors je rassembla mon courage et lui demanda : - Et vous, pourriez-vous me donner votre nom? Je vis alors, en une seconde, les traits de son visage se modeler en un sourire, un sourire que j’avais espéré voir une minute plus tôt. Je ne fus pas déçu : elle était magnifique, bien plus qu’elle l’était lorsque je la vis pour la première fois alors qu’elle venait d’entrer dans la fauconnerie. - Je me nomme Audréanne Valois, mais, comme vous, mon nom de famille ne me plaît pas trop, alors je préfèrerais que vous m’appeliez par mon prénom. Son sourire, sa beauté, le son de sa voix et, surtout, le fait que je connaisse maintenant son nom, me forcèrent d’afficher un large sourire à mon tour. Je me sentis satisfait, bien plus que j’aurais voulu l’être il y a quelques secondes de cela. Je jugea donc que c’était le moment de quitter la fauconnerie pour regagner mon poste, me rappelant alors de Nikos qui devait m’attendre avec impatience en haut de la tour de guet. Peut-être serais-je resté, mais je sentis que je n’avais plus rien à dire à la belle Audréanne et je préféra tout simplement quitter les lieux, la gêne l’emportant sur l’assurance. Je fis signe à la jeune noble que je partais et, lorsque je m’apprêta à faire un pas vers la sortie, celle-ci m’interrompit. -Edrick, pourriez-vous rester ici, un instant? J’ai une faveur à vous demander.
Un autre texte, qui date de quand j'avais douze ou treize ans! Je l'ai retravaillé plusieurs fois depuis et oui, c'est encore du fantastique. Jamais terminée elle non plus, le projet était trop ambitieux et long, j'ai perdu l'intérêt avant. - Spoiler:
Chapitre premier
Roux. Le fait d'être roux est, en général, d'avoir les cheveux d'une couleur orangée terne ou, au contraire, brillante de vie. La couleur noire étant la plus courante à travers le monde pour ce qui est des cheveux, la couleur rousse est probablement la moins répandue. Il n'est pas étrange, toutefois, que quelqu'un ait les cheveux de cette couleur. Malgré leur minorité, on retrouve beaucoup de gens aux cheveux roux partout où on va. Les roux restent et resteront toujours des êtres humains, tout comme les gens aux cheveux blonds, bruns ou noirs. Pourquoi faire de la discrimination envers les gens pour la simple raison que leurs cheveux sont roux? Telle est la question que beaucoup on posé à Aen. Le petit Aen. Aen l'éternel apprenti. Aen le roux. De ces trois titres que plusieurs garnements lui ont attribué au cours de son enfance, c'était le dernier qu'il détestait le plus. Aen était, sans l'ombre d'un doute, roux jusqu'à la racine des cheveux. Et ce qu'il haïssait par dessus tout, c'était quand on lui faisait remarquer.
Depuis son plus jeune âge, Aen n'avait aucune confiance en lui. Son père, un charpentier, avait eu beaucoup d'attentes envers lui : quand on possède un commerce, chez les paysans, il se doit de prospérer à travers les générations. Le deuxième enfant mais le premier garçon de sa famille, Aen fut considéré comme le successeur de son père. Dès sa naissance, il fut décidé que le garçon héritera de la maison familiale, une petite chaumière à l'orée du bois, lorsqu'il atteindra la majorité. Bien sûr, pour toucher cet héritage, il devait apprendre le métier de ses ancêtres. Ainsi, un charpentier devait être fort, habile de ses mains, assidu et passionné par son travail. Le petit Aen n'avait aucune de ces qualités. Faible, chétif, maladroit et complètement indifférent au travail du bois, le jeune roux n'était pas à la hauteur des attentes de sa famille. Depuis le jour où il s’en rendit compte, son père ne cessa de dire qu'il était une perte de temps et qu'il ne deviendrait jamais charpentier. Ma foi, il avait tout à fait raison!
Toute sa famille savait que le petit garçon frêle ne pourrait jamais prendre en main le commerce de son père. Toutefois, sa mère lui disait de persévérer, qu'il pourrait y arriver avec l'effort nécessaire. Malgré cela, Aen ne devint pas un meilleur charpentier. Il aurait eu les meilleurs outils, le meilleur des bois et les meilleurs experts pour l'aider, il n'aurait jamais été capable de faire ne serait-ce qu'une patte de chaise. Il lui manquait une chose fondamentale, essentielle à toute chose : de la volonté, et Aen n'en avait pas pour deux sous si il s'agissait de devenir charpentier! Son rêve était, bien évidemment, le même que celui de tous les autres enfants de son village : le jeune garçon rêvait de partir à l'aventure. Ses songes prenaient souvent la forme de terribles batailles dans lesquelles ils combattait gobelins, morts-vivants et autres bandits pour défendre la veuve et l'orphelin. Parfois, il était le preux chevalier combattant les malandrins sur sa fidèle monture. Il lui arrivait aussi de jouer le rôle de l'archer qui, avec une précision incroyable, abattait des hordes de monstres sans même qu'ils aient le temps de lui porter un seul coup. Il se voyait aussi très bien dans la peau d'un magicien, pulvérisant des armées entières à coup de boules de feu dévastatrices. Le voleur rusé lui plaisait énormément : il adorait se faufiler discrètement dans les tentes ennemies et assassiner les dormeurs sans être vu ou entendu. La voie du noble prêtre l'attirait tout autant : il lui suffisait de voir les larmes de joie des blessés qu'il guérissait, des aveugles à qui il rendait la vue et des familles qui voyaient un membre défunt revenir à la vie sous leurs yeux. Bien sûr, ramener les morts à la vie est une chose impossible, mais si vous aviez essayé de faire comprendre cela à Aen lorsqu’il avait cet âge, votre tibia s’en porterait sûrement moins bien aujourd’hui!
À chaque soir, le jeune rouquin vivait une aventure différente. Même si il n'était jamais sorti de son village, il prétendait avoir combattu voleurs, barbares, chevaliers noirs et toutes sortes de monstres gigantesques. Il changeait régulièrement de rôle : un soir il était guerrier et l'autre, il était barde. Selon son humeur, le petit Aen vivait ce qu'il voulait vivre dans le corps où il voulait vivre. La nuit était le petit moment de joie de sa vie monotone où il n'était qu'un bon à rien. Là, dans le royaume qui vivait au fond de son esprit, il était un héros aimé de tous. Il sauvait des vies en risquant la sienne, ne laissant jamais un innocent être happé par les griffes de la mort. Lorsqu'il était blessé, il ne sentait pas la douleur et continuait le combat jusqu'à la victoire. Il était ce qu'il avait toujours voulu être : un homme puissant et courageux. Bien sûr, vous l'aurez deviné, de toutes les fois où il était un aventurier, jamais il n'avait été roux!
Toute bonne chose avait toutefois une fin et la réalité rattrapa un jour le petit garçon rêveur. Malgré le courage que ses rêves lui donnaient, il comprit vite qu’il était effectivement faible, sans le sou, sans espoir d'avenir et roux jusqu'à la racine des cheveux. Il finit aussi vite par comprendre que, si il refusait de prendre le commerce de son père en main, il deviendrait un fardeau pour sa famille et devrait quitter son village. Mais il n'était âgé que de sept ans et, dans sa tête d'enfant, il ne comprenait pas pourquoi il était une telle honte pour son père. Et il n'eut qu'un réflexe : blâmer le fait qu'il était différent. Décider que, du jour au lendemain, sa vie serait un échec. Au bout du compte, il finit par se dire que tous ses problèmes et que tous les problèmes du monde venaient du fait qu'il était roux.
Aen était le seul roux de son village : de toutes les personnes qu'il connaissait, le jeune roux ne connaissait personne qui partageait la couleur de ses cheveux. Il cru donc qu'il était un bâtard, qu'il était condamné à apporter la honte partout où il irait. Tous les espoirs d'Aen étaient perdus. La nuit où il décida de s’en remettre à cette conclusion, il se blottit dans sa paillasse et fut incapable de dormir, ne serait-ce qu’une seule minute. Il ne rêva ni au paladin, à l'enchanteur, au ménestrel ou au druide. Il ne pouvait plus regagner ce monde où il était si heureux et plus jamais il ne put le regagner. Le lendemain, il décida qu'il n'arrêtera jamais de s'haïr tant qu'il aurait les cheveux roux.
Toutefois, la vie suivit son cours normal. L'enfant grandit dans son petit village, en pensant qu'il était un incapable et que tout ses problèmes étaient liés à sa couleur de cheveux. Son père l'avait délaissé au profit de son petit frère qui, lui, démontrait tous les talents requis pour devenir un maître charpentier. À ses dix ans, après un repas maigre suivi d’une discussion tumultueuse, Aen apprit qu'il avait été déshérité. Il avait été renié par sa famille. Seul sa mère et sa grande sœur gardaient confiance en lui. Elles lui disaient qu'un jour, il trouverait sa voie. Pourtant, comment trouver sa voie dans un village où chacun possède son commerce et se doit de le faire prospérer de père en fils? Il n'y avait que le métier de charpentier qui s'offrait à lui. En fait, ce n'était même plus une option puisque la place était déjà prise. Aen était condamné à vivre pauvre pour le reste de sa vie, qui ne durera sûrement pas longtemps puisque justement, la pauvreté aura tôt fait de l'achever.
Plus il grandissait, plus le jeune rouquin voyait le jour fatidique approcher, le jour où son père lui dirait de quitter la maison et de partir vivre ailleurs. Malgré le support moral de sa mère et de sa grande sœur, il avait déjà commencé à désespérer. Chaque jour, il partait dans les bois près de sa maison pour ne revenir que très tard le soir, lorsque tout le monde dormait. Il devint donc une sorte d'homme invisible et, peu à peu, sa famille s'accoutuma à ses absences régulières. Pendant deux ans, le jeune Aen vécu à l'écart de son village. Il y eut alors un temps où le jeune garçon ne rentrait plus chez lui, même pour dormir. Sa grande sœur, très attachée à lui malgré ses deux dernières années d'exil, allait le voir à chaque jour pour lui apporter à manger. Elle seule savait ce que son frère faisait dans la forêt, mais refusa de le dire à qui que ce soit. Comme si quelqu'un s'en préoccupait! Tout les gens du village avaient oublié le jeune rouquin, devenu une sorte de fantôme aux yeux de ceux-ci. Peu à peu, les femmes commères échafaudèrent même quelques rumeurs à son sujet, qui se répandirent très rapidement dans le minuscule village. Ce fut justement une de ces rumeurs qui attira l'attention du père d'Aen alors qu'il buvait une chope de bière à la taverne locale. En entendant deux vieillards parler de son fils exilé, il se questionna à son sujet. Qu'était-il advenu de lui?
La curiosité prit le dessus et le charpentier décida de partir à la rencontre de son fils dans les bois. Il lui fallut quelques heures de marche et de recherche acharnée entre les arbres pour trouver l'endroit où son fils habitait. Le père s'attendait à trouver son fils dans un arbre creusé, dans une cabane dans les bois ou encore mieux, dans une grotte. Vous imaginez donc sa surprise lorsqu'il découvrit, au beau milieu de la forêt, une énorme maison de bois de la taille d'un manoir!
L'homme connaissait ces bois comme sa poche et jamais, avant que son fils ne quitte la maison, il n'avait aperçu cette maison auparavant. Il explora les alentours de la bâtisse, toujours stupéfait. C'était vraiment une grande demeure : composée de deux étages, elle devait au moins dépasser la dizaine mètres de hauteur. Tout y était fait de bois : la porte, les volets, le toit et la clôture, tout! L'habitation était magnifique vue de l'extérieur. Derrière la clôture, on pouvait apercevoir un immense jardin rempli de plantes diverses, agrémenté d'un petit potager où poussaient plusieurs légumes. Dans un coin du jardin, on apercevait de nombreuses mangeoires pour les oiseaux qui prenaient toutes des formes variées près desquelles se trouvait un petit étang où pataugeaient quelques volatiles.
Le père d'Aen, dévoré par une insatiable curiosité, traversa le jardin et s'approcha de la maison. Il examina les murs : l'ouvrage semblait neuf, comme si il ne datait que d'un an ou deux. Tout semblait avoir été fabriqué récemment. Une idée folle germa alors dans l'esprit du charpentier : et si c'était son fils, l'incapable, le bon à rien, le roux qui avait construit cette maison? C'était une pensée insensée, bien sûr, mais lorsqu'il cogna à la porte, la théorie se confirma. Aen ouvrit la porte et découvrit son père, complètement abasourdi, qui le regardait avec surprise. Comment était-ce possible qu'un jeune garçon qui n'avait jamais eu le moindre talent pour le travail du bois vive dans un tel chef d’œuvre et ce, en deux ans?
Le jeune rouquin invita son père à entrer dans la maison et celui-ci fut de plus en plus étonné de voir que la maison était entièrement décorée de statuettes et de sculptures, tous en bois. Les murs et même le plancher étaient couvertes de nombreuses runes et de plusieurs dessins, finement taillées à même le bois. C'était vraiment le paradis pour un travailleur du bois. Si seulement il n’avait pas été si étonné, à ce moment-là, il aurait pu être émerveillé par ce qui se trouvait autour de lui! Comme hypnotisé par la maison toute entière, il passa de longues minutes sans rien dire à observer les meubles et les décoration, allant même jusqu'à examiner les coins des murs. Le travail qui était demandé pour faire une telle maison aurait pris plus de deux ans pour une équipe entière de charpentiers et encore là, il aurait fallu un temps bien plus long pour fabriquer un tel chef d’œuvre!
Comment un gamin aurait-il pu, d'une année à l'autre, passer d'un parfait incapable à un maître de son art? C'était impossible, illogique, irraisonnable. Le père d'Aen n'était pas fou, cette maison n'était effectivement pas là il y a quelques années de cela. Miracle, magie, hasard? Et bien, croyez-moi, le charpentier n'eût pas à attendre longtemps avant de tout savoir : celui qui connaissait les réponses à ses questions se trouvait juste devant lui. Il n'attendait que ça, justement...
Une fois rentré chez lui, au beau milieu de la nuit, le père ne dormit pas une seconde. Il passa la nuit entière à faire les cents pas au beau milieu de l'atelier de charpentier, sans prêter attention au travail qu'il lui restait à faire. Il se contenta de réfléchir longuement sur ce qu'il venait de voir ou d'apprendre. Maintenant, il savait. Il savait d'où venait cette maison, pourquoi son fils y vivait et pourquoi celui-ci s'était exilé dans les bois. Aen le gosse, Aen le bon à rien, Aen le roux était... un magicien.
Il était encore sous le choc, se remémorant sans cesse les paroles que son fils lui avait dites alors qu'ils étaient tous deux assis autour d'une table en bois. Il le revoyait lui expliquer qu'il avait construit cette maison grâce à la magie, SA magie! Les paroles de son enfant se répercutaient dans sa tête : <> Suite à cet évanouissement, le charpentier était revenu chez lui en se rappelant des paroles de son enfant.
La question qui torturait tant le paysan était une question que beaucoup de gens de sa classe sociale se posent régulièrement lorsqu'ils sont en présence d'un phénomène inexplicable : <> La magie était, pour certains, une science. Pour d'autres, c'était un art ou encore un mode de vie, ou tout simplement un style de combat. Pour la plupart des paysans, c'était tout simplement une notion très vague. Peu d'entre eux savaient exactement ce que la magie était et le père du jeune rouquin faisait justement partie de ceux qui n'en savaient rien. Il continua donc à réfléchir jusqu'au lendemain, puis le jour suivant, puis le jour suivant le jour suivant et ainsi de suite pour près d'une semaine. Cessant de travailler pendant ces quelques jours de réflexion, il inquiéta tous les membres de sa famille : lui qui aimait tant son métier, seul un événement incroyablement tragique aurait pu lui enlever la joie habituelle qu'il avait en taillant quelques billots de bois. La surprise fut encore plus grande lorsque l'homme décida ensuite de vendre ses plus précieux biens à un marchand de passage et elle le fut encore plus lorsqu'il ne dépensa pas une seule pièce de tout l'argent qu'il avait amassé.
De plus en plus, sa femme se posa des questions sur son comportement et, de plus en plus, sa fille comprit ce qu'il s'apprêtait à faire. Ce qui devait se produire se produisit donc quelques jours après qu'il eût vendu les meubles, le chien et un vieux vase : le père, sous les yeux de toute sa famille, y compris Aen, compta minutieusement l'argent amassé et, une fois qu'il eût fini, remit le tout à son fils aîné dans une bourse de cuir. Le jeune roux hérita alors, non seulement de l’héritage promis qu'on lui avait retiré, mais aussi de tous les biens que la famille possédait, convertis en argent comptant. « Il aura besoin de ça pour payer ses études à l'école de magie d'Aëlstrom » expliqua-t-il à sa femme et à son fils cadet, éberlués.
À peine eut-il le temps de dire au revoir à sa famille que déjà, accompagné de son père, le jeune Aen quitta son hameau natal pour se diriger vers l'école de magie dont lui et son père avaient tant discuté pendant les derniers jours. Le jeune roux, entre la jubilation et la stupéfaction, avait enfin la chance de réaliser son rêve de devenir un aventurier : il ne lui manquait plus que quelques semaines de marche et ensuite, plus rien ne se dresserait entre lui et la gloire éternelle! Il voyait déjà l'école, avec ses hautes tours de pierre, ses immenses salles de cours, ses professeurs érudits ainsi que le dortoir où il partagerait des nuits mémorables avec les autres magiciens. Quel bonheur! Ce n'était plus qu'une question de distance, à présent...
Un jour de marche se déroula sans encombres. Traversant les bois qui entouraient le petit village d'où le père et le fils étaient partis, la marche fut épuisante mais toutefois agréable. Tout s'annonçait pour le mieux. Deux autres jours de marche suivirent. Les deux voyageurs traversèrent donc de vastes plaines, empruntant plusieurs routes et chemins qui les menèrent dans la direction de leur objectif. Quatre jours plus tard, un coup de tonnerre retentit. Malgré le terrible orage qui s'ensuivit, les deux compagnons bravèrent tout de même la tempête pour s'avancer encore plus près de leur but. Huitième jour, lendemain de l'averse.
Devenus malades suite à leur voyage sous la pluie et le vent, Aen et son père déployèrent de moins en moins de forces au fur et à mesure que la journée avançait. Si près du but, ils se servirent de toute l’endurance qu’ils avaient en réserve alors qu'il virent au loin la forêt au arbres géants dans laquelle se trouvait l'école. Campant devant les bois, le père et le fils discutèrent longuement. Le charpentier rappela à son enfant leur dernière discussion avant leur départ, celle où le jeune rouquin avait fait une promesse à son père. « Lorsque je serais un magicien accompli, je reviendrai à mon village natal et je te montrerai ce que j'ai appris » lui avait-il dit. La détermination que le père avait lu dans les yeux de son fils l'avait convaincu et le lendemain, il n'avait eu aucun remords à amasser toutes ses économies pour partir en voyage vers Aëlstrom.
La tête pleine d'images, le jeune Aen s'endormit sous le regard bienveillant de son père, rêvant, pour la première fois depuis longtemps, aux aventures qu'il vivrait une fois diplômé de l'école de magie. Il rêva aux monstres, aux chevaliers noirs, aux démons qui attaquaient villages et cités, châteaux et forteresses. Il voyait les gens qui imploraient les dieux de leur venir en aide, il entendait les pleurs des enfants et les hurlements de douleur de leurs parents. Une scène bien familière se produisit une nouvelle fois : armé de son grimoire et de son bâton, Aen créa une pluie de feu déferlante qui vint s'écraser sur la horde maléfique qui allait l'attaquer alors qu'il s'opposait seul face au roi des démons et à son armée. Créant murs de glace, invoquant monstres et bêtes et déjouant ses adversaires à l'aide d'illusions, le puissant archimage se fraya un chemin entre les soldats qui prirent vite la fuite, terrifiés par autant de puissance. Arrivant devant l'empereur infernal, assis sur son trône de pierre, Aen eut tout de même un léger frisson : sa peau rouge comme le feu, ses yeux semblables à ceux d'une bête furieuse, ses immenses ailes de chauve-souris et ses crocs acérés lui donnaient l'air d'un redoutable adversaire. Peut-être même plus redoutable que tout ce qu’il avait affronté jusqu’à maintenant (ce qui n’était pas peu dire, en considérant que le jeune garçon avait déjà affronté le cyclope de la Vallée Noire et le poulet géant mangeur d’hommes des Terres Gelées)! Il ne restait plus qu'à voir si c'était vrai, ce qu'Aen fit sous le regard stupéfait des paysans enchaînés qui n'espéraient que sa victoire. Le combat fut terrible : le roi démon asséna de terribles coups de son sabre gigantesque que le mage eut du mal à éviter. La terrible blessure qu'il reçut au bras gauche lui empêcha de jeter ses sorts aussi rapidement qu'à l'habitude et il fallut près d'une heure avant qu'il vienne à bout du seigneur infernal. Atteint en plein cœur par un rayon destructeur, le démon s'effondra dans un hurlement de douleur déchirant. Acclamé par tous ceux qu'il venait de libérer par cette victoire, le jeune rouquin sourit plus que jamais. Il avait choisit d'être le magicien. Et dès demain, il sera le magicien...
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Mar 22 Juin 2010 - 23:03 | |
| Hey j'aime bien ! T'écris bien, c'est détaillé et fluide, c'est même parfois drôle et acide.
La première, je trouve ça pas mal du tout, mais tu m'étonnes que des gamins n'en n'ont rien eu à faire du théâtre. :/
La deuxième m'a faite rire. J'avais déjà entendu cette tirade quelque part... XD
Les deux autres sont vraiment très bien aussi, quoique dans la troisième j'ai trouvé pas mal de fautes, surtout de conjugaison, ça m'a étonné de toi ! xD Mais sinon les histoires en elles-mêmes sont intéressantes, bien pensées et bien écrites. Mais j'ai halluciné, la dernière est... heureuse ! =O Enfin en ce qui la concerne celle là, j'avoue être bluffée ! C'est super bon, surtout pour un texte que tu as écrit à 12 - 13 ans ! Moi à cet âge là j'écrivais vraiment pas aussi bien, pourtant j'écris depuis que je sais écrire et je raconte des histoires depuis que je sais parler. Alors bravo. ^^ Tu n'es pas ma sœur siamoise pour rien ! =D |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Jeu 24 Juin 2010 - 5:30 | |
| Merci pour les commentaires, sœur siamoise! C'est très flatteur et ça m'encourage à poursuivre. Et oui, la dernière histoire finit bien, mais c'était seulement le premier chapitre. Le deuxième chapitre allait montrer immédiatement ce qu'Aen était devenu après l'école de magie et, franchement, y'a pas de quoi être fier. Mes personnages principaux ont tous quelque chose d'un peu pathétique. Ça m'inspire. Pour les fautes, j'imagine que c'est dû au fait que le texte est assez vieux, mais c'est très possible qu'il y en ait un peu partout. Et dis-toi que l'écriture, c'est un peu mon talent. S'il y a une chose dans le monde que je fais naturellement mieux que la moyenne des gens, c'est sûrement ça. On a tous nos talents, mais ça ne t'empêche pas te persévérer. Tu peux faire aussi bien, sinon mieux que moi avec une idée qui t'inspire. Les mots viendront tout seuls. Voilà un autre texte écrit sur une impulsion. Du vomi littéraire, que ça s'appelle. C'est assez fataliste. Tout moi, quoi. - Spoiler:
Le Musée, ou la merveilleuse histoire de la toile à l’encre de seiche L’amour, pour moi, c’est comme un musée. On regarde, mais on touche pas. Ça m’arrive d’assister à la vente aux enchères. De temps en temps, y’a une œuvre qu’on affiche et, à ce moment-là, tous les acheteurs se mettent à miser pour l’avoir avant les autres. Moi, je prends la chaise du fond et je regarde. Je regarde l’œuvre avant qu’elle parte, parce qu’elle va inévitablement se faire acheter. Tôt ou tard, elles sont toutes achetées. Moi, j’achète jamais rien. J’suis trop paumé pour ça. Pourtant, j’reviens toujours au musée. C’est plus fort que moi. J’continue de regarder les œuvres dans l’espoir qu’un jour, j’vais pouvoir repartir avec une d’elles. Rendu là, je sais pas trop c’que j’vais en faire. Je sais pas ce qu’on fait avec une œuvre. Je sais juste que la plupart des gens qui en ont une l’affichent dans leur chambre. Ils la mettent là où ils en auront besoin. Depuis quelques temps, y’a une nouvelle exposition. J’vais la voir à presque tous les jours et je regarde un peu partout. Y’a des choses intéressantes à voir. Y’a une œuvre qui a marqué mon attention. Elle s’appelle Sépia. J’ai trouvé ça énigmatique. J’ai décidé d’aller taper ça sur Google pour avoir l’air intelligent. Sépia, c’est de l’encre de seiche. On s’en sert pour la cuisine ou pour autre chose. L’art, j’imagine. J’sais pas ce que cette œuvre-là est censée être. Elle est dur à définir, au point où j’suis toujours le seul qui l’observe. De loin. J’vais jamais me mettre devant pour l’observer, sauf quelques rares fois. Quand y’a personne. C’est pas une beauté qui saute aux yeux. Quand je l’ai vue pour la première fois, j’suis passé devant, sans même faire attention. Puis, j’me suis arrêté l’espace d’un moment pour me dire : «Ouais, c’est une belle toile.» C’est tout. Sauf qu’un jour, j’ai réalisé ce qu’elle avait de spécial. Cette toile-là était pas comme les autres. Elle avait pas les mêmes couleurs, les mêmes effets, le même style. Elle était pas affichée là pour qu’on la remarque, pour qu’on s’arrête devant et qu’on espère la ramener chez nous. Elle était là parce qu’elle était là. Et elle avait quelque chose de particulier, quelque chose que personne d’autre semblait avoir. Elle avait presque l’air triste, mais pas triste à en pleurer. Plutôt mélancolique. Elle avait l’air déçue, perdue. Mais pas triste. Elle se distinguait par son refus total de se distinguer. Elle se distinguait parce que, quand je suis entré dans l’exposition, c’était la dernière que j’ai remarqué. Quand j’avais parcouru l’exposition des dizaines de fois, elle était encore là. Mystérieuse, à découvrir. Et plus on s’y attardait, plus on s’y perdait. Elle n’avait pourtant rien de spécial. Une beauté apparente, mais pas particulière. Elle était juste là. Parfois, je la regardais quand personne ne pouvait me voir. J’espérais que, d’une façon ou d’une autre, je pourrais me l’offrir. Que je pourrais peut-être, cette fois-ci, gagner aux enchères cette œuvre que je semblais être le seul à remarquer. Ça semblait presque possible. Qu’avais-je à perdre? Alors j’ai encore refait la même erreur : j’ai espéré. J’ai espéré qu’un jour, je pourrais sortir d’ici avec une œuvre. Pire : une œuvre que j’aurais moi-même choisi. Bel effort, le cave. Sépia était déjà achetée. C’était inévitable. Elle était juste affichée là, avec les autres, mais elle appartenait déjà à quelqu’un. Quelqu’un qui n’avait aucune intention de la vendre, qui avait de grands projets en tête. Quelqu’un de bien, probablement. Un connaisseur, un vrai. Mais ce quelqu’un, c’était quelqu’un d’autre. Encore. Sépia reste là. Je la vois à tous les jours à l’exposition. Elle est toujours dans le même coin de la pièce, silencieuse, mélancolique. Je la regarde du coin de l’œil quand il n’y a personne d’autre et je détourne le regard quand je réalise qu’au fond, Sépia est comme toutes les autres. Elle est belle, probablement plus belle que toutes les autres, même s’il faut l’observer pendant des jours pour s’en rendre compte. Mais elle n’est pas à moi. Elle ne sera jamais à moi. Dans quelques mois, l’exposition sera terminée et elle partira. Et moi aussi. Mais je reviendrai. Je serai là à la prochaine exposition, que je le veuille ou non. Inévitablement, je me trouverai une nouvelle Sépia. Des Sépia, dans le musée, c’est pas ça qui manque. Y suffit juste que je m’arrête devant une toile devant qui personne ne s’arrête, que je l’observe, et que je pense. Que je lui trouve des beautés subtiles, des significations, des airs de mélancolie, pour finalement apprendre qu’au fond, peu importe ce que je décide d’en penser, elle est finalement comme toutes les autres. Vendue. Inaccessible. Illusoire. On regarde, mais on ne touche pas.
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Jeu 24 Juin 2010 - 14:08 | |
| Hey elle est très bien aussi celle-là ! Et en effet, c'est tout toi. ^^
Meilleur que toi je ne pense pas, mais j'connais aussi parfaitement bien cet élan créateur. ;) Si tu voyais le nombre de pages que j'ai noircies sous le coup de cette inspiration subite... (un peu trop d'ailleurs)
Mais bref, je fais partie de ton fan-club maintenant ! xD |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Jeu 24 Juin 2010 - 18:31 | |
| Merci encore. Si t'étais mon amie sur Facebook, j'pourrais t'envoyer le lien de mon véritable fan club, qui existe bel et bien XD C'est mon ancienne prof' de français qui l'a créé, en plus. Puisque je post un texte ici à chaque fois que je reçois un commentaire, en voilà un autre. Je ne l'aime pas particulièrement. Il a été écrit pour un devoir de cégep et ma prof' l'a vraiment adoré, mais elle et moi avions des goûts radicalement différents. À vous de voir. C'est, évidemment, assez triste et fataliste, je vous préviens. Ça aussi, c'est du vomi littéraire. - Spoiler:
Les Funérailles du Monde J’ai un souvenir très clair d’une incompréhension totale après avoir terminé de lire ce qui nous avait été assigné. Ce livre, ne comptant – heureusement – qu’une centaine de pages, aurait, selon moi, dû porter le titre de Chronique Mortuaire plutôt que son titre réel. J’ai tenté, en vain, de comprendre l’auteure névrosée qui avait écrit ces pages de peine et de misère, pleurant et pleurant sans arrêt la mort de gens qu’elle n’a jamais connu et qu’elle ne connaitra évidemment jamais. Ce n’est pas Marguerite, mais bien Madeleine qu’elle aurait dû s’appeler. Bien heureux d’en avoir enfin fini avec cet ouvrage pénible, je songeais déjà à ce que je pourrais écrire sur un texte rempli de rien du tout. Évidemment, il a fallu que la vie me donne la réponse quelques jours plus tard, en même temps d’une bonne leçon. Avant de poursuivre, j’aimerais vous poser la question suivante : vous est-il déjà arrivé de pleurer pour quelque chose qui n’est jamais arrivé, mais d’y croire si fort pour aucune raison que l’événement en question devient réel à vos yeux? Depuis l’enfance, je vis avec ça. Je me surprends, comme Duras - que j’ai lu de peine et de misère - à vous raconter ma vie, mais s’il vous plait, continuez, c’est moins long à lire! J’ai un souvenir très ancré, très vivant, d’un examen que je devais faire en quatrième année du primaire. J’en connaissais toutes les réponses, je savais très bien ce que je devais faire, mais pourtant, ma feuille était blanche à la fin de l’examen. Blanche et couverte de petites taches d’eau, comme des petites flaques. J’avais pleuré pendant toute la durée de l’examen, en silence, incapable de penser à quoi que ce soit, parce que ma mère était morte. Elle était bien vivante et elle l’est toujours au moment où je vous écris, mais pour moi, elle était décédée. C’était devenu un fait incontestable en l’espace d’une minute. La musique dans ma tête, les images si poignantes, si réelles qui la parcouraient, tout ça était plus qu’assez pour me faire croire à la mort de ma propre mère. Me voilà donc devenu bien pire que Duras : plutôt que de pleurer des morts inconnus, je pleure des morts encore vivants. Peut-être est-ce le spectre de l’auteure dont, je l’avoue, je me suis légèrement moqué, qui me fit revivre cette horrible sensation quelques jours à peine après avoir terminé son livre. Je sais, je suis maudit. Ne m’approchez pas trop. Cette fois-ci, toutefois, c’était particulièrement atroce. Je n’ai aucune envie de me faire prendre pour le Messie, mais voilà : j’ai vu la fin du monde arriver. Ça m’est apparu dans la tête d’une seconde à l’autre, comme une bombe. Aucun moyen de savoir quand c’était, mais c’était proche, beaucoup trop proche pour ne pas céder au désespoir. J’ai vu l’homme tuer l’homme, appuyer sur une gâchette pour mettre une fin abrupte à la vie même d’un autre être avec autant de passé, de vécu que lui. J’ai vu cette gâchette être pressée des milliers et des milliers de fois, décimant à chaque fois des années entières d’histoire. J’ai vu la population innocente, prise en otage par les militaires tout-puissants et leurs armes invincibles, irréversibles. J’ai compris tout ce que l’être humain pouvait faire pour des choses aussi futiles que l’orgueil, pour des concepts aussi futiles que l’argent. J’ai compris qu’il fallait neuf mois pour créer la vie, et neuf centièmes de seconde pour y mettre fin. J’ai compris à quel point il était bien plus facile de s’exterminer que de rester unis. Tout ça, sur du Cold Play. De quoi donner des envies suicidaires à n’importe qui. Je l’avoue, j’ai pleuré. J’ai pleuré sans arrêt, comme un bébé, en voyant et en revoyant toujours et encore les mêmes images comme un disque compact qui saute. Tout ce que je voyais, à ce moment-là, était vrai, irréfutable. Les regrets m’ont envahi en l’espace d’une seconde et je me mis à regretter tout ce que je n’avais pas pu réaliser de mon existence éphémère, comme si elle allait se terminer au lendemain. La seule façon de me sauver, c’était d’écouter d’autre musique et de regarder d’autres images, ce que je me suis empressé de faire. Toutefois, même après m’être calmé, après avoir remis les deux pieds sur terre, j’ai compris ce que j’avais vu et ressenti. Je venais de vivre la fin du monde avant l’heure. Je vous ai vu mourir, vous et tous les autres. Et moi aussi. Ne laissez jamais une telle chose se produire. S’il vous plait.
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| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 25 Juin 2010 - 5:45 | |
| Bon, je ne me suis pas acharnée à tout lire (je sais, fainéante va!), mais c'est bien parce que... j'avais déjà tout lu les textes avant même que tu ne les mettes ici x) Oui, je les avais lu! Tous! ... Non, c'est une blague ._. Il me manquait l'avant dernier texte; celui-là, je ne l'avais pas lu. C'était très bien! Tout à fait toi ^^ Mais, te connaissant comme je te connais, je m'empressais d'essayer de penser à quoi tu pensais lorsque tu écrivais ce texte là et, franchement, ça m'a frustrée de pas savoir x) Pourtant, j'ai aimé le texte, comme d'habitude!
...
Rien ne battra GPPP!!! NEVAAAAR!! MWA HA HA HA HA!!! :twisted: |
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 25 Juin 2010 - 13:30 | |
| Eh bien comme tous les autres, j'adore aussi le dernier texte ! =) |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Sam 26 Juin 2010 - 6:29 | |
| Merci pour vos commentaires et votre support constant! Rika, je t'ai ajoutée sur Facebook hier et j'trouve sérieusement que tu ressembles à Sépia. Ça me trouble. Juli, t'as la chance de me connaître personnellement et de pouvoir me harceler pour avoir des réponses à tes questions. Amuse-toi. Et effectivement, GPPP est sûrement le projet dont je suis le plus fier, mais pas question de le poster sur un forum ou un site web. Je le fais lire qu'à ceux en qui j'ai entièrement confiance parce que c'est probablement ce que j'ai le plus de chances de publier. En voilà un autre que j'ai terminé juste pour vous. Je l'avais commencé il y a un bout de temps et je l'ai fini un peu à la hâte, mais vaut mieux une conclusion moyenne que pas de conclusion du tout. C'est de l'humour à la "Fabio est sur la CB et écrit des insanités" à son meilleur. Je vous laisse juger. Contient de nombreux propos vulgaires liés au sexe et à certaines déviances sexuelles qui pourraient choquer.- Spoiler:
Déceptions, ou la fabuleuse aventure au pays des déviances Il était une fois un homme comme les autres qui avaient des fantasmes comme les autres. Comme tous les autres jeunes garçons de son pays, il grandit selon le modèle classique de l’hétérosexualité passive, fit semblant d’avoir une petite amie en deuxième année du primaire et préféra Arielle et Jasmine à toutes les autres princesses de Disney simplement parce qu’elles avaient le nombril à l’air. Quand il découvrit ses hormones à l’âge de douze ans, un peu sur le tard, son plus grand fantasme fut de faire entrer son pénis dans le vagin d’une jeune fille, ce qui n’avait rien d’anormal aux yeux du reste du monde. Il ne lui manquait plus qu’un peu d’expérience et dans quelques années, il n’aurait plus qu’à accomplir son destin, fonder une famille, s’acheter un fourgon et mourir heureux entouré de ses quatre enfants, de sa femme, de son chien et de ses nombreux petits enfants qui attendraient impatiemment de le voir crever pour qu’ils puissent rentrer chez eux et faire monter leur paladin de cinq autres niveaux. Toutefois, cet être créé selon les normes rencontra un obstacle inévitable qui le fit dévier de son parcours vers la perfection spirituelle : lorsque vint le temps de faire l’amour, il comprit vite qu’il devrait aussi satisfaire la personne qui acceptait de s’unir avec lui. L’union charnel était un échange, et non pas un cadeau, et notre ami s’adonna à sa première fois en espérant de tout son cœur que sa partenaire crie si fort qu’elle en défonce les murs. Il échoua. Ne croyant pas en la chance du débutant, il décida de recommencer, sans succès. Se fiant à l’adage que la troisième était la bonne, il retenta sa chance, mais n’obtint aucun autre résultat que les deux précédentes fois. Jamais aucune de ses partenaires ne se prononça sur sa performance, mais il comprit qu’il échouait sans arrêt, grand égoïste dans l’âme et grand précoce dans tout le reste. Or, il ne baissa pas les bras et se disait bien que, quelque part, il aurait de l’avenir. Que d’une façon ou d’une autre, quelqu’un serait bien obligé de le désirer, parce que la vie était comme ça. Disney l’avait prouvé et, comme tout le monde le sait, Disney serait tout un enfoiré s’il avait dû mentir à autant d’enfants. Notre ami se fia donc à son instinct et alla dans les quartiers les plus louches, demandant des conseils aux prostituées d’expérience. Après quelques cours théoriques et pratiques, toutefois, il ne se sentit toujours pas prêt à affronter le monde terrible et impitoyable de la sexualité. C’était trop pour lui. Au moment où il s’apprêta de nouveau à baisser les bras, ce fut alors qu’il eut une révélation. Lors d’un énième essai, la péripatéticienne à qui il versait de faramineux pourboires pour la remercier de sa grande patience lui fit le plus beau compliment qu’il n’eut jamais reçu de la part d’une de ses partenaires : «Tu ferais un excellent nécrophile.» Ce fut ce qu’il attendait depuis toujours sans le savoir. Son destin, étalé devant lui. Oui, il serait nécrophile. La nouvelle serait évidemment difficile à annoncer à ses parents, mais il était prêt à tout faire pour atteindre l’extase tant recherchée. Plein de détermination, il se mit alors à s’informer sur l’Internet pour apprendre les trucs du métier. Les dîners aux chandelles sont-ils toujours tendance? Est-ce une bonne idée de s’adonner aux plaisirs charnels dès la première sortie? Condom texturé ou extra lubrifiant? Tant de questions restaient sans réponses pour notre apprenti courageux, qui s’entraîna à dormir dans un cercueil pendant de nombreux jours pour s’assurer que tout soit parfait. Et un jour, à force de googler des conneries nécrophiles, il tomba sur une image dérangeante et dégueula sa vie sur le tapis de son bureau pour ensuite passer les trois nuits suivantes à trembler seul dans son lit. Ce fut la fin de sa courte expérience parmi les cadavres dont il ne garda qu’un très vague souvenir, à l’exception de cette image qu’il craint encore de retrouver par erreur. On ne dégueule sa vie qu’une fois, en principe. Comprenant qu’il n’était pas fait pour plaire aux dames, ni même aux dames mortes, notre héros erra pendant de longues années en quête de sa voie spirituelle. Confus, il se laissa aller aux expériences les plus insensées qu’il aurait pu imaginer, s’adonnant à la dendrophilie dans la jungle amazonienne ou aux orgies tentaculaires démoniaques données régulièrement dans des sous-sols de Tokyo. Rien de tout cela ne lui donna le sentiment d’accomplissement qu’il ne demandait qu’à ressentir et il rentra finalement chez lui, ayant tout vécu, sauf ce qu’il recherchait. Il se toucha et fut heureux. Il vécut seul, mangea beaucoup de frites et envoya de nombreux enfants potentiels vers une mort rapide et peu glorieuse.
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| | | Lessien Menka Préparateur de gâteaux aux cailloux
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Sam 26 Juin 2010 - 13:37 | |
| Ce texte me fait trop rire. Enfin, en le lisant je me marrais, mais en fait maintenant je me dis que c'est triste en fait. °°"
Ah et en fait non, je ne ressemble pas à Sépia puisque je suis en fait un lapin géant. Si si je t'assure. Mes photos sur facebook sont des fausses ! xD ... Tu te sens mieux comme ça ? x)
*retourne gambader dans l'herbe* |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Dim 27 Juin 2010 - 21:37 | |
| Plus de théâtre! Tout ça a été fait dans le cadre d'un cours. Un pastiche de Sonate d'Automne d'Ingmar Bergman. Quand je n'aime pas une pièce, je la parodie plutôt que de la pasticher. J'ai détesté Sonate d'Automne à en vomir, ce qui a inspiré ce truc étrange. Contient un peu de langage vulgaire.- Spoiler:
Pour le pire et pour tout le reste PersonnagesYvette, jeune noble, fiancée de Wilfried Wilfried, fiancé d’Yvette Jacqueline, mère d’Yvette Le serviteur La pièce se déroule dans une seule salle, une sorte de salon décoré à la mode de la Renaissance. C’est une pièce close dans laquelle il doit y avoir une porte par laquelle les personnages peuvent entrer et sortir. On doit y trouver deux sofas au milieu de la pièce et une fenêtre munie de rideaux par laquelle une lumière passe. Elle doit aussi être décorée de façon à ce que le public comprenne qu’il s’agisse de la demeure d’une famille riche et ancienne : portraits et blasons ornent les murs. Les personnages doivent être vêtus selon la mode de leur époque : les femmes en robe, les hommes en habit de cour. Le serviteur est vêtu plus humblement. Les personnages parlent tous d’un ton un peu snob et exagéré, parodique, démontrant un langage très soigné, sauf Yvette qui utilise un ton plus naturel à certains moments. Ces changements de ton seront indiqués dans les didascalies.--- Dans le salon vide. Yvette et Jacqueline entrent l’une après l’autre, visiblement enthousiastes, se dirigeant vers les deux sofas.Jacqueline, enthousiaste : Ma fille, je peux te dire que je suis ravie! Nous avons enfin réussi à te trouver un nom qui conviendra à la grandeur du nôtre et, dans quelques heures, ce sera enfin officiel! Je n’arrive pas à y croire! Yvette, enthousiaste : Mère, Mère, comment est-il? Vous l’avez rencontré, n’est-ce pas? Parlez-moi de lui. Elles vont s’installer sur chacun des deux divans.Jacqueline : Quel homme! Oh, quel homme, vraiment, vous ne pouvez pas trouver mieux! Il a l’esprit d’un grand poète, la beauté d’un dieu grec, le panache d’un étalon en rut… Yvette, un peu confuse : Les comparaisons n’ont jamais tellement été votre fort, Mère. Jacqueline, riant : Bref, vous voyez bien ce que je veux dire, ma fille! Cet homme est un véritable Dom Juan, il vous suffira de le rencontrer pour en être convaincue. Ce sera fait d’ici quelques instants, rassurez-vous. Il devrait arriver d’une minute à l’autre, selon ce que cette espèce de majordome m’a dit. Yvette : Mère, à votre place, je… Jacqueline : Parlons donc de vous, ma chère fille! Comment vous sentez-vous? Yvette : Comme un pissenlit qui volette au vent. Jacqueline : Ma chère, vous savez bien que je suis allergique aux pissenlits. Yvette : Excusez-moi, Mère, de n’avoir aucune autre métaphore à partager avec vous, mais c’est ainsi que je me sens. Jacqueline, excitée : Bien, bien! J’espère que vous saurez en partager d’autres avec votre mari. À ce qu’on m’en a dit, il est friand de métaphores et de mots bien trouvés. Il a de la graine de romancier! Yvette : D’excitantes soirées passées à jouer au Scrabble en perspective! Jacqueline : Je suis ravie de constater que ce mariage semble réellement vous plaire. J’avais un peu peur de votre avis quant à cette union un peu hâtive, mais il me semble que ces craintes n’étaient point fondées. Yvette : Mère, c’est bien vous, toujours en train de vous inquiéter pour votre pauvre petite fille! Elles se mettent à rire de bon cœur sans aucune raison apparente.Jacqueline : Oh, ma fille, je suis si heureuse! Patientons; votre fiancé devrait arriver d’une minute à l’autre. Yvette : Sans plus tarder, patientons. Elles restent assises en souriant bêtement, regardant autour d’elles, riant un peu nerveusement à l’occasion tout en se replaçant pour avoir le dos bien droit. Après une trentaine de secondes d’attente, le serviteur ouvre la porte et les têtes des deux femmes se tournent vers lui, mais celui-ci s’excuse maladroitement en quittant la pièce aussitôt. Elles recommencent à attendre.Jacqueline, sans expression : Cette attente me semble fort longue, ma fille. Yvette, sans expression : En effet. Heureusement, nous sommes assises. Jacqueline : Cela est vrai. Imaginez, si nous étions debout, l’horreur que nous aurions à endurer. Yvette : Cessez, Mère, je frémis. Jacqueline : Je cesse, je cesse. Une autre attente silencieuse de quelques secondes s’ensuit. Brusquement, Jacqueline se lève hors de son siège et se dirige vers la porte.Yvette, étonnée : Que faites-vous, ma bonne mère? Jacqueline¸ un peu confuse : Je vais aller voir ce que font nos hôtes. Je me doute qu’ils ont une discussion fort semblable à la nôtre et qu’au rythme où nous en sommes, ils doivent bien avoir terminé, eux aussi. Je reviens. Elle quitte la pièce et Yvette se retrouve seule dans la pièce. Elle y reste assise et silencieuse pendant de longues secondes, le visage dénué d’expression. Éventuellement, le serviteur ouvre encore la porte par erreur et la referme aussitôt, faisant tourner la tête d’Yvette. Quelques secondes plus tard, c’est Wilfried qui ouvre la porte, mais Yvette ne détourne pas son regard pour le regarder. Il entre discrètement, refermant lentement la porte derrière lui.Wilfried, gêné : Excusez-moi. Êtes-vous… Yvette, sans expression : Laissez-moi seule avec moi-même, verrat. Wilfried, surpris : Euh… comment? Yvette, frustrée, tournant la tête vers Wilfried, passant subitement à un accent québécois : Hey, c’est pas dur, là, câlice! Wilfried la fixe pendant quelques secondes, visiblement éberlué, trop surpris pour réagir, reculant légèrement en direction de la porte. Il semble presque craindre sa fiancée.Wilfried, gêné : Je veux seulement savoir si vous savez où je puis trouver la future mariée, dame Yvette de Saint-Tite. Yvette, soupirant d’exaspération : C’est moi. J’te gage que t’es mon fiancé? Wilbrod, c’est ça? Wilfried : Non, en fait, je me nomme Wilfried. De la Haye, fils du baron d’Angoulême et de… Yvette : Lâche ça, ça m’intéresse pas. Wilfried : Ah? J’ai pensé que vous… Yvette se lève alors brusquement du divan et le contourne pour s’approcher de Wilfried, qui recule vers le centre de la pièce.Yvette, énervée : Écoute, le grand. Je sais pas pourquoi t’es ici, mais moi, j’suis pas là pour me marier. Wilfried, confus : Donc vous n’êtes pas la future mariée? Parce qu’il y a une seconde, vous aviez dit que… Yvette : Que tu le veuilles ou non, j’vais scrapper ce mariage-là pis j’vais rentrer chez nous. Wilfried, nerveux : Ah, vraiment? Comment comptez-vous faire ça? Yvette : J’vais créer un scandale. Wilfried, incertain : Sans vouloir vous contredire, madame, je doute que l’on peut créer un scandale ainsi, sans qu’il y ait quoi que ce soit de scandaleux à dénoncer. Yvette : Justement, y va avoir quelque chose. Wilfried : Vous en êtes sûre? Yvette : Ouais, même que tu vas m’aider, hein? Wilfried, incertain : Je ne suis pas sûr de comprendre ce que je gagne à ruiner mon propre mariage en créant un scandale qui risque d’entacher le nom de bien des gens, peu importe la forme qu’il prendra. Yvette, aguichante : Vous gagnez toute ma reconnaissance. Wilfried, attiré mais toujours gêné : Il est vrai que c’est une offre qui se refuse mal. Que comptez-vous donc faire pour créer ce scandale dont vous parlez tant? Yvette : N’importe qui peut le faire. Vous avez juste à jouer le jeu. Wilfried, incertain : Je ne suis pas trop sûr de comprendre. Yvette : Dites à votre serviteur d’aller chercher ma mère, allez jouer dans le trafic et revenez dans quelques minutes. Wilfried, docile : Entendu… Il sort par la porte et Yvette retourne s’asseoir sur le sofa, attendant patiemment en silence. Après quelques secondes d’attente, le serviteur ouvre de nouveau la porte par erreur et Yvette jette encore un regard dans sa direction avant qu’il ne la ferme. Après quelques autres secondes d’attente, Jacqueline entre. Yvette reprend son ton snob et soigné.Jacqueline, enthousiaste : Ma fille, ma fille, vous devriez voir le buffet! C’est ravissant, tout simplement ravissant! Ils ont mis de petits parasols sur les fromages en dés, c’est d’un goût exquis. Yvette, faussant l’enthousiasme : Vraiment? Oh, je dois voir cela à l’instant, moi qui suis une si grande experte en fromages et en parasols! Jacqueline, qui lui fait signe de se lever : Vite, qu’attendons-nous? Yvette, qui reste assise : Mère, avant que j’oublie… Jacqueline : Oui, qu’est-ce donc? Yvette, joignant les mains, faussement gênée : Je ne peux pas me marier. Jacqueline semble complètement prise au dépourvu et fixe sa fille, incrédule, qui la fixe avec un regard sans expression. La mère vient s’asseoir sur un divan, stupéfaite, l’air vraiment concerné.Jacqueline : Comment? Yvette : Je ne peux pas me marier, ce serait trop me demander. Jacqueline : Est-ce trop difficile pour une jeune fille en âge de se gaver dans un buffet et de parader en robe? N’est-ce pas notre destin à toutes et chacune? Yvette : Mère, plus je réfléchis à ce mariage et plus je réalise que vous ferions une grave erreur en unissant notre famille à celle-ci. La tête de Wilfried apparaît lentement à la fenêtre, par laquelle il épie les deux femmes qui discutent.Jacqueline : Ma fille, j’ai aussi eu des hésitations quand j’ai vu leur collection de chandails de loup, mais qu’à cela ne tienne, ils ont bien d’autres choses aussi. Yvette : Non, je pense que vous ne comprenez pas… il s’agit plutôt de notre nom à nous. Jacqueline : Quoi donc? Vous êtes en train de me dire que notre nom n’est pas assez grand pour le leur? Ma fille, c’est insensé! Yvette : Hélas, Mère, c’est la vérité. Inévitablement, mon mari finira par découvrir tous les événements terribles qui marquent le passé de sa promise et alors, notre honneur en sera à jamais entaché. Jacqueline : Mais de quels événements parlez-vous donc, ma fille? Qu’avez-vous à vous reprocher? Yvette, gênée : Mère, il y a de nombreuses choses dont je dois vous parler, ici et maintenant. Jacqueline : Ma fille, sachez que les petits fromages en dés n’attendront pas! Yvette remarque alors que Wilfried les épie et se lève pour aller placer les rideaux devant la fenêtre.Yvette, en fermant les rideaux, criant presque : Et si quelqu’un devait entrer dans cette pièce de façon brusque et impromptue, cette histoire pourrait bien mal finir! Jacqueline : Inutile de parler plus fort, ma fille, je vous écoute déjà avec l’attention d’un fan des Pingouins de Pittsburg en prolongation. Yvette, qui va se rasseoir sur le sofa : Ce que je vais vous dire n’a jamais atteint vos oreilles avant aujourd’hui, mais cette histoire finira tôt ou tard par ressurgir avec violence une fois que je serai mariée. Elle cesse alors de parler et fixe la porte, attendant Wilfried. Jacqueline la regarde, attendant la suite, confuse.Jacqueline : Et alors? Yvette : Et alors, c’est une histoire terrible. Jacqueline, impatiente : Mais allez, parlez donc! Yvette, lentement : Mère, il se trouve que j’ai, il y a quelques années, alors que je traversais un champ de marguerites pendant cette journée où, si ma mémoire est bonne, le poisson a connu une baisse drastique de prix, le mahi-mahi en particulier, j’avais décidé de… La poignée de la porte se tourne lentement et Yvette sursaute presque.Yvette, criant presque alors que la porte s’ouvre : Mère, j’ai un amant! Le serviteur passe sa tête par l’embrasure de la porte, s’excuse maladroitement d’être tombé sur la conversation et referme la porte derrière lui.Jacqueline, qui n’a même pas remarqué l’entrée du serviteur, outrée : Que dites-vous là, ma fille? C’est odieux! Yvette, confuse, improvisant : Euh… oui, c’est odieux, n’est-ce pas? Dire que j’ai caché cette vérité de vous pendant tout ce temps! Jacqueline, outrée : Quelle terrible nouvelle! Elle semble un peu rassurée. Or, si vous avez caché cette idée à votre propre mère pendant si longtemps, vous pouvez bien faire de même avec votre mari, n’est-ce pas? Yvette, confuse : Euh, oui, mais non, je ne peux pas. Mon amant est, euh… un riche espagnol! Oui, c’est un très riche espagnol qui ne laisse rien se mettre entre lui et sa bien-aimée et il a juré de trucider mon futur mari s’il devait m’embrasser pendant la cérémonie! Jacqueline, paniquée : Mon Dieu, quel drame! Et vous avouez tout, à quelques heures de votre mariage! Nous devons vite faire quelque chose, avant que votre cérémonie ne finisse à TVA! Wilfried ouvre la porte et cette fois-ci, les deux femmes le remarquent. Elles se lèvent toutes les deux, mais Jacqueline s’approche du fiancé en premier et fait signe à sa fille de rester où elle est.Jacqueline, paniquée : Monsieur, il nous faut agir au plus vite! Il faut annuler ce mariage, votre vie est en jeu! Wilfried, apeuré : Comment ça, ma vie est en jeu? Jacqueline, le poussant hors de son chemin vers la porte : Nous n’avons pas une seconde à perdre! Jacqueline ferme la porte derrière elle et laisse Wilfried seul avec Yvette. Celui-ci semble plutôt déstabilisé et fixe sa promise, incertain.Wilfried, craintif : Quand vous m’aviez dit de jouer le jeu, je ne pensais pas que ça impliquerait aussi une mort subite et brutale. Yvette, reprenant son ton naturel : Non, non, c’est pas ça pantoute. Laisse ma mère faire son show, elle va revenir avec nos valises dans quelques minutes. Elle va avoir arrangé ça avec ton père et on va partir au plus sacrant. Wilfried : Vous en êtes sûre? On entend les bruits de pas de Jacqueline dans le corridor et elle ouvre brusquement la porte, une valise à la main.Jacqueline, paniquée : Yvette, j’ai fait mon show et je viens de revenir avec nos valises après quelques minutes. J’ai arrangé tout avec le père du marié et nous partons au plus sacrant! Wilfried : Effectivement, c’est efficace. Yvette, en saluant Wilfried : Au revoir, mon cher. Amusez-vous bien avec votre buffet. Elle lui envoie un baiser tout en quittant la pièce. On entend la voix de Jacqueline et de sa fille dans le corridor après qu’elles aient fermé la porte. Wilfried va s’asseoir sur le divan, soupirant.Wilfried, exaspéré : Câlice… Le serviteur ouvre la porte, regarde à l’intérieur, puis referme derrière lui en sortant. Wilfried lui jette un regard, puis se laisse tomber pour s’étendre sur le sofa.
En voici un autre qui fut une drôle d'expérience à écrire. À la base, l'idée était de faire un pastiche d'une pièce vue dans le cadre du cours et je voulais faire quelque chose d'absurde, d'un peu enfantin dans le genre du Petit Prince. En l'écrivant, mon idée est passée d'une pièce comique à un drame sur le suicide collectif. Comme quoi on sait pas ce qu'on veut écrire avant de l'avoir écrit. Je suis particulièrement fier des dialogues dans celle-ci, même s'ils sont parfois un peu moralisateurs. J'ai aussi été déçu de ne pas avoir pu exploiter pleinement la scène avec Vlad. Un gros merci à Juli / Tsuzumi pour m'avoir aidé à trouver les noms des personnages principaux. Je lui dédie le personnage de Fyra, qui ressemble aux personnages un peu naïfs et attachants qu'elle a l'habitude de jouer dans D&D ou dans ses RPs. Contient des propos métaphoriques reliés au suicide.- Spoiler:
Rêve de vide PersonnagesRenaud, jeune homme rêveur et ambitieux Fyra, amie de Renaud agissant comme un enfant Vlad, chef de la police Agents de la police La pièce se déroule dans un monde post-apocalyptique dans lequel règne une canicule incessante. Les scènes 1 et 2 se déroulent dans un garage peu ordonné au milieu duquel trône un vaisseau spatial sur lequel on peut lire «L’Albatros» en grosses lettres peintes, couvert d’une toile. Le plancher est couvert de débris et d’objets divers, dont un ventilateur et des outils, et les murs sont couverts de graffitis. Une petite fenêtre au plafond laisse passer de la lumière pendant le jour. La scène 3 se déroule près d’un bâtiment abandonné et dans le ciel. Renaud et Fyra portent des vêtements débraillés et usés, Vlad est vêtu d’un uniforme militaire tandis que ses hommes portent des combinaisons semblables à celles des équipes d’intervention militaire d’élite, avec des casques, des armes automatiques et des masques à gaz.Scène 1 Dans le garage, le jour. Fyra est devant la toile qui couvre le vaisseau et tourne lentement autour du véhicule couvert, touchant le voile du bout des doigts, curieuse. Entre Renaud. Renaud, d’un ton avenant : Salut, Fyra! Fyra, poussant un cri de surprise : Excuse-moi! Excuse-moi, j’voulais pas! Elle se tourne vers Renaud et s’éloigne du vaisseau, paniquée. Renaud, rassurant : Hé, du calme! Je ne voulais pas te faire peur, j’étais juste venu travailler un peu sur le vaisseau. Fyra, toujours embarrassée : Oui, le vaisseau, évidemment! J’vais te laisser travailler, j’vais aller me promener un peu dehors… Renaud : Tu peux rester, si tu veux! Fyra, heureuse, oubliant sa gêne : Vraiment? Tu veux dire que j’peux rester et te regarder travailler sur ton vaisseau? Renaud, souriant : Ce n’est pas ce que je viens juste de dire? Par contre, il va falloir que tu m’aides un peu. Peux-tu aller me chercher le ventilateur dans le fond et le brancher ici? Fyra hoche la tête et va chercher le ventilateur pendant que Renaud va prendre sa boîte à outils. Ils reviennent près du vaisseau, toujours couvert par la toile. Fyra, qui branche le ventilateur et l’allume : Renaud… est-ce que j’peux te demander qu’est-ce qui est en-dessous de la toile? Renaud, fouillant sa boîte à outils pour en sortir des clés anglaises et des tournevis : C’est un vaisseau spatial, j’te l’ai déjà dit plein de fois. Fyra, curieuse : Pourquoi est-ce que tu construis un vaisseau spatial, Renaud? Renaud : Pour me rendre sur la Lune. Fyra : Pourquoi tu veux aller sur la Lune, Renaud? Renaud : Parce que c’est certainement mieux qu’ici. Fyra, un peu triste : Comment ça? T’aimes pas ça, ici? Tu préfères vraiment aller vivre sur un gros caillou qui brille dans le ciel? Renaud, laissant ses outils un moment pour se retourner vers Fyra : Est-ce que t’as déjà lu Charles Baudelaire, Fyra? Fyra : Non. Je sais pas lire, Renaud. J’ai jamais appris à lire. Renaud, soupirant : Si tu savais tout ce que tu manques! Quand on apprend à lire, c’est tout un monde qui s’offre à nous, un monde beaucoup plus beau et intéressant que celui dans lequel on se trouve. Fyra : Tu trouves que notre monde est pas intéressant, Renaud? Renaud, souriant faiblement : Non. Quand je regarde autour de moi, j’vois juste des cailloux, des bâtiments vides et des déchets un peu partout. C’est ça, notre monde à nous. C’est un gros dépotoir qui étouffe dans la chaleur. Fyra : Ça veut dire quoi, dépotoir? Renaud, réfléchissant : C’est… quelque chose de pas beau. Où est-ce que je voulais en venir avec ça, déjà? Fyra : Tu me parlais de Charles Bauglaire. Renaud, passionné : Oui, Baudelaire! Il parle de l’ancien monde dans ses poèmes, du temps où on pouvait sortir dehors pendant plus que quatre heures sans crever de chaud. C’était beau, avant! À la place des pierres et des débris partout, il y avait des forêts, des oiseaux, des rivières! Fyra : J’ai vu l’ancien monde en photo, moi. Renaud, soupirant : Une photo, c’est différent. La photo ne laisse aucune place au rêve. Elle est comme elle est, on n’y peut rien, comme la planète sur laquelle on vit. Fyra : Tu préfères le rêve à la vérité, Renaud? Renaud : Oui, j’ai toujours été comme ça. Quand un homme abandonne ses rêves, il abandonne tout ce qui fait de lui ce qu’il est. Fyra, curieuse : Alors qu’est-ce qui te dit que la Lune est vraiment plus belle qu’ici? Renaud : Elle brille, mais contrairement au Soleil, elle ne dégage aucune chaleur. Elle est juste là pour briller, au loin, mais elle ne menace personne. Elle est là et elle attend que quelqu’un vienne la visiter. La Terre, elle, elle attend qu’on la quitte, qu’on la laisse derrière et qu’elle puisse mourir en paix. C’est ce que je pense. Le reste du monde pensera ce qu’il voudra, mais moi, j’ai mieux à faire que d’écouter leurs sottises. Fyra, un peu triste : Alors… tu penses vraiment qu’on pourra jamais sauver notre planète? Renaud, souriant : Non, mais j’ai décidé de me sauver, moi. Bientôt, je vais quitter le bateau qui coule et laisser derrière moi toute la saleté, la canicule et le gouvernement qui essaie de nous faire avancer à coups de bâton dans ce qu’ils appellent «la bonne direction». Fyra, triste : Tu penses vraiment que tu pourrais pas être heureux, ici, avec moi? Renaud, qui dépose lentement ses outils : T’as peur que je te laisse ici, toute seule? Fyra hoche la tête et sanglote. Renaud s’approche d’elle pour la consoler. Renaud, enthousiaste : Voyons, c’est ridicule! Tu penses vraiment que je vais t’abandonner à ton sort en partant sur la Lune? Regarde! Renaud tire sur la toile qui couvre le vaisseau, révélant le bolide. Fyra le fixe, fascinée, oubliant sa tristesse. Renaud : Tu vois? Le vaisseau a une place pour un pilote et un passager. Elle est pour toi, celle-là. Fyra, émue : Vraiment? Tu m’avais même pas dit qu’il allait y avoir une place pour moi dans ton vaisseau, Renaud! Renaud, souriant : Je ne pense pas que je pourrais partir seul sur la Lune. J’ai été seul ici toute ma vie, mais là-bas, je repars à zéro. J’aimerais que ça soit avec toi. Fyra, gênée : Merci, Renaud, je sais vraiment pas quoi dire, mais… je sais pas si j’vais pouvoir venir. Il faut que je demande à ma mère avant, et je pense pas qu’elle va accepter! Elle me dit tout le temps que je devrais pas venir ici, que tu vas essayer de me remplir la tête d’idées folles, alors si je lui dis que je vais aller sur la Lune avec toi, elle va vraiment se fâcher. Renaud, souriant : De quoi devrais-tu avoir peur quand on sera sur la Lune? Tu penses que ta mère va venir te chercher là-bas? Personne, pas même le gouvernement, ne pourra nous suivre jusque là! Fyra, hésitante : Je sais pas, Renaud. J’vais devoir y penser encore un peu. Renaud, compréhensif : Prends ton temps, l’Albatros est loin d’être terminé! J’en ai encore pour une semaine ou deux, si tout va bien. Fyra, souriant faiblement : Merci beaucoup, Renaud. J’te promets que je vais y penser. Renaud : Parfait. Tu m’en parleras quand on sera rendus là, mais pour l’instant, je vais devoir continuer mes ajustements. Les réacteurs ne sont pas encore très puissants, alors je vais avoir besoin d’un peu plus de jus. Fyra hoche la tête tandis que Renaud commence à visser et à dévisser quelques boulons sur le véhicule. Scène 2 Dans le garage, la nuit. Renaud est caché derrière des objets. Le vaisseau est encore couvert d’une toile. Fyra entre maladroitement dans la pièce close, un peu apeurée. Fyra : Renaud? Renaud? Renaud sort de sa cachette pour lui faire signe de le rejoindre et Fyra sursaute. Renaud lui fait signe de rester silencieuse et la jeune fille s’approche de son ami. Ils se cachent derrière les objets du garage alors qu’on ouvre violemment la porte. Vlad et ses hommes entrent, sur leurs gardes, leurs armes prêtes à tirer. Vlad, faisant signe à ses hommes de rester où ils sont : Je pense que cette fois-ci, nous le tenons. Confrères, voici l’arme du crime! Le chef de la police s’approche du véhicule couvert par la toile d’un pas lent, savourant sa victoire. Il tire brusquement sur l’étoffe pour dévoiler le vaisseau spatial, mais découvre sous le tissu un tas d’objets posés sur une table pour imiter la forme de l’invention de Renaud. Les hommes de Vlad se mettent à rire devant la colère que leur chef manifeste. Vlad, colérique : Vous autres, arrêtez de rire! Il y a, dans ce garage, un vaisseau spatial construit en toute illégalité et il est en notre devoir de le retrouver immédiatement! Fouillez tout, et que ça saute! Un agent : Chef, a-t-on un mandat? Vlad, irrité : Je me fiche de savoir si nous avons un mandat pour fouiller cet endroit ou non, je veux qu’on le fouille! Les agents, en chœur : Oui, chef! Alors que les hommes commencent à fouiller le garage, Renaud sort de sa cachette tandis que Fyra regarde la scène de celle-ci, effrayée. Le jeune homme marche vers Vlad, mais cesse de bouger lorsque les agents de la police braquent leurs fusils vers lui. Il lève les mains en l’air. Vlad : Arrêtez-vous! Seriez-vous, par hasard, l’homme à qui appartient ce garage? Renaud, calme : Oui, c’est moi. Vlad, confiant : Bien, bien. Votre nom? Renaud : Renaud. Juste «Renaud». Vlad : Monsieur Renaud, auriez-vous, par un pur hasard, vu un vaisseau spatial illégal traîner dans les environs? J’ai un ami qui m’a dit, un peu plus tôt aujourd’hui, que vous aviez commandé une quantité impressionnante d’acier, de boulons de qualité supérieure, d’uranium, de plutonium ainsi que vingt litres de Coca Cola diète, dans le but de construire ce qui fut décrit dans la commande comme étant… Il prend un papier dans sa poche et le lit à voix haute. «Dans le but de construire un appareil capable de propulser un véhicule aérodynamique d’approximativement deux tonnes au-delà de la stratosphère.» Je pense que vous ne tromperez personne avec vos petits airs innocents, alors je vous conseille de nous dire immédiatement où se trouve le vaisseau spatial en question. Renaud : Vous pouvez fouiller tout le garage si vous le souhaitez, mais je ne pense pas que vous trouverez un vaisseau spatial ici. Vous devez faire erreur. Vlad, sceptique : Nous verrons bien! Vous pouvez commencer à fouiller, vous. Les hommes de Vlad commencent à fouiller le garage, n’hésitant pas à renverser des objets au passage. L’un d’eux finit par trouver Fyra et la tire hors de sa cachette. La jeune fille se débat et proteste. Un agent : Chef, j’ai trouvé quelqu’un! Renaud, calme : Lâchez-la, s’il vous plaît. C’est ma femme. Vlad fait signe à son homme de main de lâcher la jeune fille et celle-ci va rejoindre Renaud. Les hommes finissent leur fouille du garage et reviennent vers Vlad pour faire leur rapport. Les agents, en chœur : Chef, nous n’avons rien trouvé de suspect. Vlad, irrité : Tiens donc… vous aviez raison, cette fois-ci. Nous pouvons donc quitter. Au revoir, Renaud. J’espère que vous aurez le temps de faire le ménage avant notre prochaine visite. Nous vous avons à l’œil. Vlad et ses hommes quittent le garage. Lorsqu’ils sont seuls, Renaud et Fyra soupirent lentement. Fyra : Ils venaient chercher ton vaisseau, Renaud? Renaud : Oui, mais je m’y attendais. Mon ami m’a prévenu qu’il avait été interrogé, alors j’ai eu le temps d’aller le cacher un peu plus loin, dans un bâtiment abandonné. Ils auront plus de mal à le trouver, mais je ne pourrai plus travailler sur l’Albatros. C’est trop risqué de le ramener ici et s’ils me voient en train de déplacer tous mes outils vers ma nouvelle cachette, ils vont le retrouver à coup sûr. Il réfléchit. Fyra : Qu’est-ce que tu vas faire, alors? Tu vas abandonner ton vaisseau et rester ici? Cette possibilité semble lui plaire. Renaud, déterminé : Non. Je vais partir ce soir. Fyra, terrifiée : Comment? Non! Ton vaisseau n’est pas encore terminé, tu l’as dit toi-même ce matin! C’est dangereux de partir comme ça! Oublie le vaisseau, reste ici! Tu en feras un autre quand la police aura le dos tourné! Renaud, inébranlable : Désolé, Fyra. Ma décision est prise. Je veux partir loin d’ici, que ce soit la Lune ou ailleurs. J’ai assez de puissance pour quitter la Terre, alors j’irai jusqu’où l’Albatros me mènera. Fyra, suppliante, s’approchant de lui pour le serrer dans ses bras : Non, n’y va pas! Tu vas me laisser toute seule ici! Renaud, déçu : Alors je dois comprendre que tu ne viendras pas avec moi? Fyra ne répond pas. Renaud la regarde intensément. Incapable de supporter le regard de son ami, elle s’éloigne lentement, cachant ses larmes tout en quittant le garage. Fyra, sanglotant, en quittant la pièce : Ne t’en vas pas… La porte se referme derrière elle. Renaud reste dans le garage, seul, et commence à prendre quelques outils. Scène 3 Près du bâtiment abandonné, à l’aube. Renaud se trouve juste à côté de l’Albatros, en train de faire quelques derniers réglages. Fyra entre, munie d’un sac à dos. Fyra : Renaud! Renaud, surpris : Fyra? Qu’est-ce que tu fais ici? Fyra, souriant faiblement : J’ai décidé de te suivre. J’veux voir la Lune. Renaud, fou de joie : Super! Vite, aide-moi à faire les derniers réglages! Tiens ça un moment! Fyra vient prend le tournevis que Renaud lui tend et l’aide à faire les derniers ajustements. Renaud, sérieux : Je pense que tout est enfin prêt. On va pouvoir y aller. Fyra, souriant faiblement : Oui. J’ai apporté des biscuits et un livre, pour que tu puisses me le lire quand on sera arrivés. Renaud, sérieux : Fyra… est-ce que tu es vraiment sûre que tu veux venir avec moi? Tu veux vraiment laisser tout ce que tu vois derrière toi? Fyra, hésitante : Je veux partir avec toi, oui… mais j’ai peur. La Lune, c’est loin. Qu’est-ce qu’il y a à faire sur la Lune, Renaud? Qu’est-ce qu’on va faire une fois qu’on y sera? Renaud, soupirant avant de sourire faiblement : Rien. Rien du tout. Fyra, déçue : Alors pourquoi est-ce que tu veux aller là-bas? Renaud : Parce que je ne veux plus être ici. Je veux aller là-bas parce que là-bas, ça brille. Là-bas, on est plus près du paradis. Fyra, incertaine : Renaud… tu veux vraiment partir? Renaud : Oui. Plus je m’en approcherai, mieux ce sera. C’est mon rêve de quitter le monde en beauté, de le traverser, d’aller vers l’endroit d’où on ne revient pas à la vitesse de la lumière. Fyra, qui semble réaliser les propos de son ami : Tu veux mourir, Renaud? Renaud : Non, juste partir. Fyra : Partir sans moi? Renaud, s’approchant d’elle : Est-ce que tu as un rêve, Fyra? Fyra, gênée : Oui. Je veux habiter dans une grosse maison avec plein d’enfants et mon mari, Renaud, qui va construire des vaisseaux spatiaux pour le gouvernement… Renaud : Reste et réalise ce rêve. Fyra : Et toi, tu resteras? Renaud : Des Renaud, ici, il y en a des tas. Eux, ils ne lisent pas Baudelaire. Ils ne construisent pas de vaisseaux spatiaux. Ils ne défient pas le gouvernement pour des sottises. Ils savent profiter du monde, de la vie. Ils ne rêvent pas d’y échapper, chaque soir, en regardant la Lune briller dans le ciel. Ils ne sont pas comme moi, mais je suis sûr qu’ils t’aimeront tout autant. Reste ici. Vis. Lentement, Fyra hoche la tête. Elle serre Renaud dans ses bras et celui-ci se retourne lentement vers son vaisseau pour s’asseoir à la place du pilote alors que Fyra s’éloigne, séchant ses larmes. Le pilote appuie sur quelques boutons et le moteur du vaisseau vrombit. Fyra, criant : Adieu, Renaud! Renaud lui sourit avant de prendre son envol. Plus il avance, plus le ciel devient sombre autour de lui, pour finalement faire disparaître Renaud et le bruit produit par l’Albatros, les enveloppant dans l’obscurité.
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| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Mer 14 Juil 2010 - 18:09 | |
| Le premier m'a fait bien rire, mais le deuxième, j'me retenais de pas pleurer parce que j'suis dehors en avant de chez Lynn avec elle x) Continuuuuue! *N'a toujours pas lu le GPPP7 x) * |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Mer 14 Juil 2010 - 18:38 | |
| J'ai malheureusement aucun texte à rajouter ici, vu que je suis en plein sur GPPP et mon nouveau forum. Merci beaucoup pour les commentaires et heureux de voir que les textes t'ont fait réagir! :D |
| | | Lessien Menka Préparateur de gâteaux aux cailloux
Nombre de messages : 5147
| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 16 Juil 2010 - 12:41 | |
| Moi aussi j'ai encore beaucoup aimé ces textes, surtout le dernier ! *o* Woah ! |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 16 Juil 2010 - 18:23 | |
| Merci beaucoup, Lessien! J'ai réussi à en déterrer un autre! C'est fou, tous ces devoirs qu'on oublie. Encore un texte fataliste et dénonciateur à souhait. J'crois que ma première session de cégep a été assez prolifique pour ça. - Spoiler:
Pas de Chance Toute ma vie, j’ai joué avec des dés. Toute la vie, elle a joué avec moi. La vie, elle joue aussi avec tous les autres. Elle s’amuse toujours, la vie, parce que quand elle s’amuse plus, on ne fait plus partie de la vie. Pourtant, ce n’est pas à la fin qu’elle s’amuse le plus, mais au début, quand vient le temps de déterminer qui on va être. Avant même d’être là, avant même que nos parents espèrent qu’on devienne médecin, avocat ou sculpteur de cure-dents, y’a la vie qui trace son chemin et qui jette les premiers dés, ceux de notre avenir. Avant même de naître, on regarde les dés tomber et on espère de tout notre cœur qu’ils nous laisseront pas tomber. Même en naissant, en grandissant, on apprend peu à peu à vivre au rythme des espoirs que les gens ont envers nous en espérant qu’on soit tombés sur les bons chiffres, que Lady Luck ne nous a pas laissé tomber. Parce que la vie, c’est elle qui la dirige, qui la gère avec sa logique de merde, qui fait du monde en soi la plus grosse injustice qui aura jamais existé. La vie, c’est la chance qui la mène. Lady Luck entre dans son casino et s’assoit sur sa chaise, devant sa grosse table avec un tapis vert, comme dans les films. Son valet lui passe les dés et elle brasse. Clac clac clac. Elle les lance sur la table et regarde le résultat. «Un malheureux» annonce le valet. «Il naîtra dans un pays pauvre, endurera la famine et verra sa vie s’arrêter vers neuf ans des suites de la malaria après que sa famille aie été décimée par la même maladie.» Lady Luck reprend les dés, passe au suivant et brasse. Hop, un quadraplégique! Hop, une victime de guerre! Hop, un gérant d’entreprise avec petite famille stable! Hop, un éboueur! Hop, une star internationale! Hop, un tueur en série! Hop, un multimilliardaire! La dame brasse et brasse et brasse et rebrasse, sans jamais s’arrêter, sans jamais s’écœurer de son petit jeu débile qui régit la vie au complet. La vie, elle suit juste cette règle-là, cette règle qui n’en est pas une, cette règle qui veut que les choses soient comme elles sont parce que, c’est comme ça. Cette règle-là qui vient nous caser dans un contexte qui nous forgera pour qu’on devienne ce qu’on va devenir, pas parce qu’on l’a voulu, mais parce que les événements qui nous entoureront l’auront déterminé, qu’on le veuille ou non. L’humanité ne se pose pas de questions, elle s’adapte. Elle se fait croire que si le monde est monde, que si les choses sont injustes, que si certains naissent beaux et d’autres laids, si certains sont talentueux et d’autres incapables, c’est parce que Dieu le veut, parce que c’est notre karma, parce que ça sert à rien de contester quelque chose qui ne peut pas nous entendre. Elle se divise en gagnants et en perdants et ce, dès qu’elle a fait cette distinction. La brute qui taxe le plus faible dans la cour d’école, la belle adolescente qui trahit ses amis sans jamais en souffrir, le riche qui s’engraisse aux dépends des pauvres, le pays fort qui bombarde le pays faible, tout ça, ce sont des preuves. Pire que d’accepter, l’humanité se complaît dans ce gros casino qu’est la vie. Elle s’amuse, elle rit, elle finit par miser toujours plus jusqu’à ce qu’à la fin, il ne lui reste plus rien. Plus rien à jouer, plus rien à gagner, plus rien à perdre, sauf peut-être les deux ou trois perdants qui resteront. Bonne chance.
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| | | Lessien Menka Préparateur de gâteaux aux cailloux
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Sam 24 Juil 2010 - 16:23 | |
| Je l'adore celui-là ! *fan* Et j'aime bien surtout l'image de la dame qui lance les dés au Casino... |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Sam 24 Juil 2010 - 16:46 | |
| Merci, Lessien! Content de voir que t'aimes toujours! En voici un autre de mon secondaire 5, du temps où j'me rendais régulièrement chez mon infernal orthodontiste. - Spoiler:
Je sors enfin de mon cours d’ECC. Sixième cours consécutif que la prof est absente, personne veut nous dire pourquoi. À peut ben être morte, tant qu’on puisse encore aller sur les ordis pendant les cours. C’est pas une grosse perte, on a jamais rien appris dans ce cours-là.
Je me rends aux casiers en me frayant un chemin entre les autres élèves. Je suis plus pressé qu’eux de me rendre, parce que moi, je pars déjà. Pendant qu’eux vont se taper un cours de français, moi, j’ai un rendez-vous. Mes amis m’envient. Je leur propose d’échanger, ils m’envient moins. Je ramasse mon sac et mes devoirs de maths, comme si j’allais pas déjà couler de toute façon. L’autre twit me parle de World of Warcraft et de pot. Je sais pas trop de quoi il parle, mais le gars de l’autre côté de mon casier lui dit de fermer sa gueule. Tata écoute pas, tata continue de me parler. Je hoche la tête, je fais semblant de l’écouter. Si au moins il savait tout les efforts que je fais pour pas l’envoyer chier comme tout le monde, pour qu’il sente au moins qu’une personne dans l’école aime l’écouter parler.
J’ai fini de tout prendre, je vise la sortie de la rangée. Je me lance vers le bout du couloir, bouscule le tata, évite deux ou trois gars de l’équipe de football et salue mes amis. Je continue vers la sortie pour pas laisser une seconde au tata pour me rattraper. Je l’ai semé, il a peut-être compris le message. Je croise deux ou trois visages familiers à ma sortie, je les salue. Rendu dehors, je regarde le chemin devant moi qui mène au métro. Un gros champ de glace, rempli de trous d’eau et de cratères. Pas moyen d’avancer sans glisser, enfoncer son pied dans la neige ou piler dans une flaque d’eau. Je mets ma musique et je soupire. Dream Theater, Instrumedly. Douze minutes de n’importe quoi.
Je commence à traverser l’espèce de grosse plaine gelée devant moi. Les choses se gâtent quand j’arrive à la piste rouge, le terrain de football de l’école. Même chose, en dix fois pire. Plus gros, plus de trous, plus de glace. J’ai le temps d’arriver à six minutes de ma toune pour tout traverser, ce qui prend normalement deux minutes. Je passe devant le gros bloc de ciment laid et sans utilité apparente, avec des barreaux. J’ai déjà su à quoi il servait, mais je m’en souviens plus. Personne s’en souvient non plus. Je sais juste que c’était la maison du gars qui ressemblait à Darth Vader. Je continue mon chemin, j’arrive sur la longue rue qui mène au métro. La glace est partie, je peux enfin écouter les quatre dernières minutes sans avoir peur de me péter la face à terre. Je croise un gars en manteau blanc, avec des lunettes de soleil. Il me sourit, il me fait un signe de tête quand je passe à côté de lui. Qui c’est, je me demande.
J’ai un flash. Oh my god, c’est le gars qui s’habille comme Darth Vader! Je l’avais pas reconnu, y’avait un manteau blanc cette fois-ci. Est-ce qu’y m’a vraiment reconnu, ou est-ce qu’y fait des sourires comme ça à tout le monde? Trop de questions, on s’en fout.
J’arrive au métro juste quand Instrumedly termine. Je laisse mon mp3 me guider sur shuffle et j’entre dans le métro. Je le manque de dix secondes, à cause du gars dans la cabine qui prend deux minutes à me faire passer. La carte opus, ça économise du papier, mais ça fait perdre du temps en maudit. J’entre dans le métro. Je sors dans quatre station, à Cadillac. Non, Langelier. Non, Cadillac c’est le centre du monde. Non, Cadillac c’est le Pacini. Je pense?
Je suis pas sûr, je sors à Langelier. Merde, mauvaise station. Je m’assois contre le mur, attendant un autre métro pour une maudite station. J’écoute In the shadows, ça me met pas dans mon meilleur mood. J’arrive à Cadillac en maudit, je monte et j’arrive sur la rue. Beaucoup de glace. Je me fraye un chemin entre les élèves de je sais pas quelle école qui est pas loin de là et j’arrive finalement là où j’allais.
Mon orthodontiste. Ortho, parce que ça le définit très bien. Dontiste, sûrement parce qu’ils étaient trop orthos pour juste écrire dentiste. Dans tous les cas, c’est de la marde. De la grosse marde. De la grosse marde en canne President’s Choice. J’arrive dans la salle d’attente. Elle est sur Rock Détente vingt-quatre heures sur vingt-quatre, ce qui la rend encore plus déprimante qu’elle ne l’est réellement. Ça me rappelle l’hôpital, normalement. Je dis normalement, parce que là, j’ai souri : c’était la chanson de Noël d’Alvin and the Chipmunks qui jouait.
J’vais donner mon nom à la madame. J’ai à peine le temps de m’asseoir qu’on m’appelle. Je prie pour que ce soit quelqu’un d’autre que l’enragée ou la maudite folle. L’enragée est moins pire que la maudite folle, mais quand même, on peut demander mieux. Dammit, c’est la maudite folle. J’essaie de cacher mon désarroi en la suivant. Elle rit, la maudite folle. Elle trouve ça ben drôle. Je sais pas quoi, mais elle trouve ça drôle. Elle fait à peine cinq pieds, avec des lunettes, un teint foncé et les cheveux noirs et courts.
Elle aurait fait une bonne petite maman si elle ne riait pas aussi mal, pour rien, ou tout simplement parce qu’elle vient de t’ouvrir la joue en deux. Des beaux souvenirs. Ça, ou quand elle m’a transpercé la lèvre du bas avec un fil en métal. C’est sûrement la seule dentiste au monde qui confond un fil avec une dent, une dent avec une gencive et qui oublie que ta langue existe. Pas grave, je suis ici pour souffrir, alors autant le faire bien.
Je m’allonge sur la table, elle me parle de mes examens. Je lui dis que je coule mes maths demain, elle rit. Elle va chercher deux ou trois outils et revient à côté de moi. Elle se met à me parler de mon uniforme, de son fils, de sa fille, du cégep. Elle commence à m’enlever mes fils. Il y a pas pire technique que la sienne : en plus de prendre son temps, elle le fait mal. En gros, c’est cinq fois plus long que d’habitude, cinq fois plus souffrant et cinq fois plus dur sur le cerveau. Je regarde le néon au-dessus de ma chaise, comme toujours. Je réussis toujours à voir une face avec des yeux et une bouche dans les clous qui tiennent la patente au plafond. J’ai juste ça à faire, regarder le plafond.
Elle a fini, j’peux aller me brosser les dents entre les bagues. Ça fait du bien, se brosser les dents sans fil pour bloquer la brosse. Ça paraît weird dit comme ça, mais vous comprendriez si vous le viviez. Elle me demande ce que je veux faire plus tard, en pensant sûrement que j’ai écouté son speech sur ses enfants. Je lui dis que je sais pas. Elle me dit que je devrais me dépêcher de trouver ce que je veux faire.
Big deal, y savent ce qu’y veulent. Y’a un an, j’étais en secondaire quatre. Je savais pas quoi faire de ma vie et tout le monde me disait de pas me presser, que j’étais juste en secondaire quatre. Maintenant que je suis en secondaire cinq, tout le monde me dit de trouver vite ce que je veux faire, parce qu’en secondaire cinq, on niaise plus. Elle rit, mal.
Finalement, la boss de la place arrive. La seule personne qui semble savoir ce qu’elle fait dans toute la clinique qui, malheureusement, prend à peine le temps de voir si ta bouche est encore là où elle devrait être pour sacrer son camp. Je crois comprendre que je vais avoir des plus gros fils et, pour Noël, des beaux élastiques. Par contre, vu que je suis supposément pas censé exister, elle dit tout ça à la maudite folle, pas à moi. Moi, je suis juste celui qui va les porter, les foutus élastiques. Ça me concerne pas.
La maudite folle commence à me patenter ça dans la bouche. Elle comprend pas que quand elle serre d’un bord, ça tire de l’autre. Elle me chiale après parce que je fais des grimaces quand elle me fait mal. Elle voit pas pantoute qu’elle me rentre le fil dans la langue. Elle me dit que ça peut pas faire si mal que ça, même si elle a dit elle-même qu’elle a jamais eu de broches deux minutes plus tôt. Une fille lui demande si elle a les chaînes rouges, elle dit non. Elle rit, elle dit non deux autres fois et rit deux fois plus. Elle dit non trois nouvelles fois et rit trois fois plus. Je sais pas ce qu’elle trouve de drôle à dire non, mais j’imagine qu’elle doit pas s’emmerder souvent chez eux.
Elle me dit que je peux me lever et me présente mes nouveaux élastiques, portant les sympathiques prénoms de George et William. Oui, ils donnent des noms aux élastiques. J’imagine que c’est la folle qui a eu cette idée-là. Pour une raison, les noms vont très bien aux élastiques. William, on se l’imagine comme un gars correct et pas trop chiant. George, c’est un nom de boss, genre de gars souvent sur notre dos, mais qu’on peut prendre par les émotions. Roberto, c’est le nom du gars obèse qui traîne toujours là où t’es, qui se lave pas, qui parle mal et dont le lunch te donne mal au cœur juste en le regardant. Vous l’aurez deviné, Roberto, c’est le nom pour les élastiques ultra-épais. Quand ils me les ont donné, y’a quelques mois, je pensais justement ça de mes orthodontistes. Ultra-épais.
Je tiens en passant à m’excuser si jamais un Roberto tombe sur mon texte. J’ai rien contre les Roberto, vous irez achaler le congrès des orthodontistes du Québec si vous avez une plainte à faire.
Je vais devant le miroir pour mettre William et George. La maudite folle me répète toutes les instructions deux fois, comme si ça faisait pas deux ans que j’en portais à tous les deux mois. J’essaie de les mettre sans me les slapper dans la face comme la dernière fois, ça avait fait rire la maudite folle. Elle s’était rendu compte deux minutes après que si je réussissais pas, c’est parce qu’elle avait pas mis les crochets à la bonne place.
Heureusement, cette fois-ci, je réussis du premier coup. Je check voir si y’a un élastique sur toutes mes dents, vu qu’elle a déjà oublié d’en mettre un sur l’incisive gauche. La dent la plus grosse, la plus en avant de la bouche, la plus visible, la plus évidente.
Je sors enfin de là. Elle a pris une heure pour un rendez-vous de cinq à dix minutes. Ça prend un autre dix minutes pour arranger mes trois autres rendez-vous. Bonne nouvelle : possibilité que j’aie plus à porter les deux kilos de métal dans ma bouche au mois de mars. Joie, mais ça me paraît très loin quand même.
Je sacre mon camp au plus vite. Je sors dans la rue, je me mets à fermer mes yeux pour profiter de quelques secondes d’évasion avec Rhapsody. Quand on ferme les yeux, on choisit où on va. Je les ouvre. C’est gris, glacé, rocailleux, pollué. Caca. J’aimerais pouvoir en faire quelque chose de meilleur, de toute cette roche-là. Je me dis que j’essaye peut-être de sauver le monde, mais si je le sauve pas, qui va le faire? Je sais pas, sûrement pas un geek un peu trop perdu dans ses trucs imaginaires.
La fille qui monte les escaliers quand je descends au métro a l’air de se trouver grosse. Elle a une face à ça.
J’arrive au métro, y’a des policiers partout. Aucune idée pourquoi, je continue. Je vais attendre le wagon et j’y entre. Beaucoup de gens, ils s’entassent et mettent leurs mains dans les vitres comme des zombies. Je vois des zombies partout, j’pense. J’entre, je me pogne un poteau. Le trajet est pas trop long, je souris parce que le chanteur d’ACDC crie dans mes écouteurs qu’y faut manger des crottes de nez.
Je sors, je remonte, je prends le bus. Y’a le gars qui pars des bousculades générales dans les casiers pour aller jouer à World of Warcraft qui est dans le même bus. J’ai le goût de le saluer, mais j’ose pas. Pas envie, j’préfère écouter Dragonforce. Heroes of our time. On en a pas, des héros de notre temps. Pas beaucoup, en tout cas. Au moins, la toune me fait oublier ça pour un moment. Je débarque un arrêt trop tard, je cours jusque chez nous. Essayez de sprinter sur la glace, voir. J’arrive chez nous, personne. J’vais sur mon ordi. J’écris ça.
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Lun 26 Juil 2010 - 12:35 | |
| Comment l'orthodontiste au rire diabolique fait peur ! O.O J'aurais pas aimé être à ta place ! Sinon j'étais en train de pouffer de rire tout le long du texte parce que j'imaginais la scène, mais aussi parce que t'as écris ça avec des expressions québécoises et que j'en connaissais pas la moitié. x) Mais j'aime bien ^^, l'écriture est fluide, agréable à lire, on a l'impression de suivre le cours de tes pensées en direct. =) |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Mar 27 Juil 2010 - 3:42 | |
| Merci encore pour les beaux commentaires, Rika! Je suis surpris que t'aies lu tous mes textes jusqu'à maintenant, ça me prouve que t'aimes vraiment et que tu dis pas juste ça pour me faire plaisir! :face: En voici donc un autre. Il date d'il y a trois ans (déjà?) quand Arkham et moi faisions du théâtre. À l'origine, Arkham et d'autres gens du cours avaient écrit une parodie de Jack et le Haricot Magique et devaient la jouer sur scène sous la forme de théâtre d'objets (une forme de théâtre expérimental où les acteurs sont remplacés par des objets de la vie quotidienne). Or, le projet de théâtre d'objets a été abandonné en pleine production. Puisque la parodie écrite par Arkham et les autres était vraiment trop bonne pour être oubliée, on m'avait donné pour mission de l'adapter à du théâtre traditionnel, ce que je fis. Ça donne ce que ça donne. On a présenté le tout sur scène et on a connu un très grand succès, probablement relié au flot de conneries qui déborde de la saynète. J'avais joué le rôle de Jack, Arkham jouait le rôle de la mère de Jack (dans un costume assez marginal) et un autre type du programme avait joué le rôle du haricot magique, habillé en blé d'inde géant avec des pantalons moulants vert fluo. Bref, j'vous laisse deviner. - Spoiler:
Jack et le haricot magique Saynète Une musique relaxante et joyeuse débute alors que le narrateur fait son entrée sous le projecteur. Narrateur : Il était une fois, dans un pays lointain, un jeune garçon du nom de Jack. Le narrateur fait quelques pas sur le côté et dévoile la scène derrière lui alors que les lumières s’allument. On voit alors Jack, sa mère et son père autour d’une table, riant à tue-tête tout en mangeant. Narrateur : Jack était un jeune garçon brave, fort, déterminé qui avait toujours été heureux, malgré la pauvreté dans laquelle sa famille vivait car, hélas, son père était mort. La musique s’arrête d’un coup, Jack et sa mère regardent le père. Le narrateur répète « Son père était mort! » et le père meurt alors subitement. Jack et sa mère se mettent alors à pleurer. Retour du projecteur sur le narrateur. Narrateur : Jack et sa mère durent faire de nombreux sacrifices pour survivre, mais leur élevage laitier leur permit de ne pas mourir de faim. Toutefois, un jour, ils furent forcés de commettre l’irréparable. Musique menaçante. Le narrateur sort, retour de l’éclairage sur la scène. La mère de Jack est assise à la table. Mère : Jack! Awaille, lâche le Nintendo pis sors de ta chambre! Jack! Jack entre dans la cuisine à moitié endormi. Mère : Là, Jack, ça va faire, le niaisage! On peut plus vivre de même, ça a pas d’allure. Tu vas devoir te trouver une job pour qu’on puisse payer le loyer. Jack : Ben là, maman, on peut encore vivre grâce à nos vaches, pas besoin que j’aille les tuer pour en faire des Big Mac. Mère : J’sais ben, mais là, des vaches, y nous en reste juste une. Jack, on a plus d’argent, on va devoir vendre Blanchette. Jack : J’en reviens pas qu’on en soit rendus là. Aussi, c’est qui l’épais qui va vouloir nous acheter une vache? Mère : Va au marché, tu vas voir, y’a plein de monde ben bizarre qui va t’acheter ça pour pas trop cher. Essaie juste d’avoir un bon prix, au moins quinze ou vingt piasses. Awaille, tiguidou! (Elle lui lance la vache et lui fait signe de sortir pour la vendre) Jack marche jusqu’au marché avec la vache. Il est interpellé par un homme douteux avec un gros manteau et des lunettes fumées. Marchand : Hey, toi! Le petit blond avec la vache! Oui, c’est à toi que je parle. Est-ce que t’es intéressé à acheter deux ou trois affaires que j’ai trouvées dans mon dernier voyage? Jack : Pas vraiment, je suis venu ici pour vendre ma vache, j’ai pas d’argent pour acheter quoi que ce soit. Marchand : Moi non plus j’ai pas d’argent, je fais juste des échanges. Ta vache m’intéresse, je suis prêt à te donner quelque chose de très rare en échange. Jack : Vraiment? Qu’est-ce que t’as à me donner en échange de ma Blanchette? Marchand : (Il sort une énorme liste et se met à la lire à haute voix) Une lampe magique, un tapis volant, la pierre philosophale, le Saint Graal, Excalibur, une bouteille d’eau filtrée de la fontaine de jouvence, une baguette magique, un œuf de dragon, de la poudre de Perlimpinpin, une fée dans un bocal, le vrai nez de Michael Jackson, une mèche de cheveux de Bob Marley, le premier pic de guitare d’Elvis, un sabre laser, des haricots magiques, une puce samouraï du Mexique… Jack : Attends! T’as dit des haricots magiques? J’aime assez ça les bines, surtout avec du sirop d’érable dessus! J’te prends ta canne de haricots. Le marchand rit, serre la main de Jack et échange sa vache contre une boîte de conserve. Le jeune garçon rentre chez lui tout heureux et va voir sa mère. Jack : Maman, t’avais raison, y’a vraiment du monde pas vite au marché 440! Regarde qu’est-ce que je nous ai trouvés! (Il lui tend la conserve.) Mère (confuse) : Mais… qu’est-ce que c’est ça? Jack : Des bons haricots du Géant Vert, pour le souper! Mère (colérique) : Je t’avais dit de vendre la vache, pas de l’échanger contre la première cochonnerie qui te passe devant les yeux! Je t’avais ben dit qu’y avait des gens corrompus dans les magasins à grande surface, mais tu m’écoutes jamais! Va dans ta chambre, pis ressort pas avant une semaine! Jack tente de s’expliquer, mais les hurlement de sa mère l’empêchent de se justifier et il court de cacher dans sa chambre. La mère s’asseoit à la table, se met les mains sur le visage et se met à pleurer. On voit ensuite Jack dans sa chambre, sur son lit, qui est visiblement désespéré et qui chante Untitled de Simple Plan. Puis, il ouvre la conserve, sent les haricots et fait une grimace. Jack : J’ai vraiment été niaiseux de faire ça, les haricots sont même plus comestibles. Autant les jeter pis commencer à remplir mon formulaire de demande d’emploi pour le Burger King… Il jette le contenu de la conserve et va s’asseoir à un bureau pour écrire. Peu à peu, il s’endort sur sa feuille. Le haricot magique fait alors son entrée, avec le narrateur. Narrateur : Alors, dans la nuit noire et sombre, Jack fut réveillé par un bruit fort qui semblait venir de l’extérieur, à l’endroit où il avait jeté les graines. Lorsqu’il alla voir ce qui se passait à sa fenêtre, il fut surpris de voir qu’un énorme haricot venait tout juste de pousser à quelques pas de sa maison. Intrigué, Jack décida d’entreprendre l’ascension de l’énorme plante pour voir où elle menait. Il fut tout aussi surpris de voir que le haricot magique avait poussé jusqu’au-delà des nuages, où il vit alors une énorme forteresse… Musique menaçante, suivie d’une musique légèrement effrayante. Jack avance lentement et est interpellé par l’ogresse, qui parle d’une voix forte et autoritaire. Ogresse : Qu’est-ce tu fais ici, toé? Jack : Euh… qui êtes-vous? Ogresse : Chus l’ogresse! Jack : Et où suis-je? Ogresse : Au château de l’ogresse! Jack : Ah bin… c’est pratique, au moins on peut pas vraiment se tromper. Là, par contre, y’a une affaire que je comprends pas. Comment vous faites pour vivre ici, en haut des nuages, sans nourriture? Ogresse : On mange les petits gars comme toé! Jack : Ah, c’est rassurant. Vous savez, je pense que je vais rentrer chez nous. On entend le bruit d’une voiture qui approche. Ogresse : C’est mon mari qui rentre! Awaille, va te cacher dans le château! Jack court se cacher côté court. L’ogre entre côté jardin en hurlant. Ogre : Cécile, ferme la porte, le chat va sortir! Ogresse : Oups, t’as raison, j’avais oublié Grisou! Y’est tellement intelligent ce chat-là, c’est rendu qu’y ouvre les portes tout seul sans qu’on s’en rende compte. Ogre : T’en fais pas, c’est pas grave parce que ce soir j’te gâte : on écoute la Poule aux œufs d’or, spécial country! Je nous ai acheté un billet, ça va être écœurant! Ogresse : Toé t’as le don pour me faire plaisir! Rentre vite, on va le manquer! Les ogres vont s’asseoir devant la télé. Une voix off retentit alors dans la salle. Voix off : Alors, chers téléspectateurs, les numéros gagnants de cette semaine, pour un gros lot de trois millions de dollars, sont… Les ogres regardent leur billet à chaque numéro cité et le crient en même temps, souriant de plus en plus à chaque numéro. Puis, lorsque le dernier numéro est donné, ils sautent de joie et se mettent à crier comme des fous. Ogre : J’en reviens pas, on a gagné! On a gagné, Cécile, on a gagné! Ogresse : Je savais ben qu’on allait finir par gagner un jour si on prenait les numéros de la date de naissance d'Amanogawa Tsuki! Viens-t-en dans le salon, on va se jouer une game de serpents et échelles pour fêter ça! Ogre : J’aime assez ça, les serpents pis les échelles! Pendant que les ogres vont dans le salon, Jack se faufile jusqu’à la table de la cuisine et vole le billet gagnant de la Poule aux œufs d’or. Il se dirige ensuite vers la sortie, mais aperçoit alors une guitare. Lorsqu’il la prend dans ses mains, il se met alors à jouer tout seul l’intro de Cliffs of Dover. Jack : C’est ben malade, cette guitare-là! Avec un instrument comme ça, n’importe qui peut devenir une légende du rock! Y faut que je la ramène chez moi aussi! Ogre : C’est quoi qui fait toute c’te bruit là? Dis-moi pas que le chat a appris à jouer de la guitare en plus! Les ogres entrent dans la cuisine et surprennent Jack avec la guitare et le billet de loterie. Ogresse : Y’a le billet de loterie! Y nous a volé notre billet gagnant! Jack, pris sur le fait, se met à courir vers le haricot avec la guitare et le billet de loterie, poursuivi par l’ogre. Il se met ensuite à descendre la plante et court se cacher en arrière-scène. L’ogre tente de le suivre et s'arrête devant le haricot. Ogre : Awaille, descends-moé! Haricot : Si tu le dis, man. Le haricot dégaine un pistolet et descend l'ogre, qui meurt. Narrateur : Ainsi, Jack réussit à s’enfuir du château de l’ogre après avoir volé la poule aux œufs d’or et la harpe magique. Victorieux, il marcha fièrement en direction de sa maison pour montrer à sa mère ce qu’il avait obtenu. La mère de Jack est au téléphone. Mère : Oui monsieur l’agent, ça fait une journée qu’y est parti. Y’était dans sa chambre, pis pendant la nuit y s’est enfuit par la fenêtre. Oui. Oui. Non, jamais. Y’a aussi un gros blé d’inde qui a poussé juste à côté de la maison le même soir. Oui. Non. On entend cogner à la porte. La mère demande à l’agent de police d’attendre un instant et va répondre, mais lâche le téléphone au moment où elle voit Jack. Celui-ci est complètement transformé : il porte des vêtements de style punk et parle d’une voix plus grave qui n’est pas la sienne. Mère : Jack, qu’est-ce qui t’es arrivé? Je te reconnais plus, as-tu passé la soirée dans un club douteux? Jack : Calme-toi, m’man, calme-toi. Chus allé visiter du monde pis… j’ai appris deux ou trois affaires sur la vie. J’me suis trouvé une job. Mère : C’est quoi ces vêtements-là? On dirait le monde épeurant qu’on voit dans les clips à la télévision! Jack : Ça fait partie de ma job, m’man. Je joue du rock dans un « band » avec ma nouvelle guitare. Ast’heure tout le monde m’appelle Jack Black. Mère : Ah non, ça se passera pas d’même! C’est pas comme ça que je t’ai élevé! Jack : Calme-toi, môman, j’ai pensé à toi aussi. (Il lui tend le billet de loterie) Mère : Oh mon doux! C’est le billet gagnant! C’est le billet gagnant, Jack! Jack : J’te le donne, j’en veux pas de cet argent là, moi y’a juste une chose que j’veux faire dans’ vie. La chanson I wanna rock retentit alors que le narrateur fait son entrée sur la scène. Narrateur : Jack partit alors en tournée avec son nouveau groupe de musique, les Red Hot Sex Pistols n’ Roses, et fit le tour du monde. Grâce à sa harpe magique, il conquit le cœur d’une princesse à la beauté époustouflante et eut de nombreux enfants qui le rendirent heureux. Financé par le roi, il se tailla très rapidement une place parmi les plus grands guitaristes de l’histoire, et son nom devint aussi légendaire que celui de Jimi Hendrix, Slash Snakepit et Lessien Menka!
Faits marrants sur la pièce : 1. Le très frisé Gobeil, grand ami d'Arkham, a incarné le rôle du père de Jack et de l'ogre. En considérant que dans la version revue et adaptée du texte, le père faisait une nouvelle apparition pour mourir de façon subite, cet acteur est mort trois fois en l'espace d'une saynète d'une quinzaine de minutes. 2. Le black qui devait suivre la mort du père de Jack au tout début de l'histoire avait pris près de trente secondes à arriver. Arkham et moi devions donc pleurer comme des madeleines pendant une demi-minute en espérant que l'équipe technique finisse par faire quelque chose. Au final, quand Arkham s'est mis à pleurer "Blaaaa-aaa-aaa-aaack!", ils ont fini par comprendre. 3. Notre pauvre haricot magique en pantalons moulants a eu une érection sur scène. Cet homme était l'exemple à suivre en matière de sacrifice d'orgueil au profit de la performance. 4. Pendant la scène où Arkham m'a envoyé dans ma chambre, il l'a fait en créole. 5. La vache Blanchette était en fait une grenouille. Je ne comptais pas poster ce texte ici parce qu'il est beaucoup plus amusant à voir en pièce qu'à lire. Reste que je commence à être à sec : tous mes autres textes sont des textes personnels ou offerts à quelqu'un (et quand j'offre un texte, il appartient à cette personne, ce qui m'enlève le droit de le poster ici sans sa permission). Ce qui est triste, c'est surtout que mon meilleur ne peut pas être posté ici puisque j'espère pouvoir le publier. Pour éviter le risque de plagiat, je le réserve à quelques lecteurs en qui j'ai une confiance totale. Bref, j'écris encore et il reste beaucoup de choses que je pourrais poster ici, mais je vais devoir m'abstenir. |
| | | Lessien Menka Préparateur de gâteaux aux cailloux
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 30 Juil 2010 - 18:20 | |
| - Fabio Totman a écrit:
- Merci encore pour les beaux commentaires, Rika! Je suis surpris que t'aies lu tous mes textes jusqu'à maintenant, ça me prouve que t'aimes vraiment et que tu dis pas juste ça pour me faire plaisir!
Bien sur que j'aime vraiment, de toute façon j'suis pas du genre à faire des faux compliments pour faire plaisir. Si j'aime pas, j'dis rien ! xD Mais j'avoue que la première fois j'suis allée lire parce que je t'aime bien ! =) - Fabio Totman a écrit:
- Arkham jouait le rôle de la mère de Jack (dans un costume assez marginal)
Awiiiiiiiiii je crois que j'ai vu la photo sur Facebook... XD - Fabio Totman a écrit:
- Ogresse : Je savais ben qu’on allait finir par gagner un jour si on prenait les numéros de la date de naissance d'Amanogawa Tsuki!
Tiens donc ? xD Y'avait marqué quoi à la base ? - Fabio Totman a écrit:
- et son nom devint aussi légendaire que celui de Jimi Hendrix, Slash Snakepit et Lessien Menka!
JE SUIS UNE LEGENDE !! \o/ (référence cinématographique au passage :roll: ) - Fabio Totman a écrit:
- Notre pauvre haricot magique en pantalons moulants a eu une érection sur scène. Cet homme était l'exemple à suivre en matière de sacrifice d'orgueil au profit de la performance.
Oh le pauvre... - Fabio Totman a écrit:
- Pendant la scène où Arkham m'a envoyé dans ma chambre, il l'a fait en créole.
Arkham sait parler créole ? xD - Fabio Totman a écrit:
- Je ne comptais pas poster ce texte ici parce qu'il est beaucoup plus amusant à voir en pièce qu'à lire.
Ouais j'imagine bien, mais c'était assez drôle à lire quand même. ^^ - Fabio Totman a écrit:
- Bref, j'écris encore et il reste beaucoup de choses que je pourrais poster ici, mais je vais devoir m'abstenir.
Pas de soucis je comprend, et j'ai été contente de lire ici pas mal de tes textes. Je les ai adorés. ^^ |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 30 Juil 2010 - 19:44 | |
| Les noms de Tsuki ou de Lessien étaient à l'origine des noms de professeur. Et Arkham et moi ayant passé cinq ans dans une école fréquentée par de nombreux élèves d'origine haïtienne, on a tous une petite base. Assez pour crier à quelqu'un de se la fermer et d'aller dans sa chambre. En voici un autre! Trouvé dans les méandres de mes vieux textes incomplets! La fin est assez abrupte puisqu'il a été abandonné. - Spoiler:
Un fracas métallique se fit entendre dans la vaste pièce alors qu’on jeta un vieux heaume rouillé au sol, l’envoyant rouler quelques mètres plus loin. Porté par l’écho, le son retentit ensuite dans toute la pièce, résonnant pendant plusieurs secondes. Quelques instants plus tard, silence total. Calme plat. Celui qui avait jeté le casque prit une grande inspiration avant de soupirer lentement, déposant un genou par terre pour s’appuyer sur celui-ci. Sa longue lame vint piquer le sol de son extrémité alors que son possesseur posa ses mains sur sa garde ouvragée en tête de dragon. Ses longs cheveux blonds, humides de la sueur qui avait envahi le casque, retombèrent le long de sa jambe, touchant presque le sol de marbre ciré.
Essoufflé, le preux chevalier prit quelques temps pour se reposer, observant avec attention la pièce dans laquelle il se trouvait en passant une main dans sa barbe mal rasée. Devant lui se trouvait un escalier de pierre composé de longues marches séparées par une mince hauteur, formant un demi-cercle, se terminant contre un mur à l’autre bout de la salle. Celui-ci était agrémenté d’une énorme fenêtre de verre de forme ronde, laissant une faible lumière pénétrer dans la pièce pour éclairer les escaliers et le plancher en bas de ceux-ci. Baignant dans ce halo de faible chaleur, le guerrier en armure regarda ensuite derrière lui pour jeter un regard vers ce qu’il avait traversé. Ses nombreuses blessures, cachées sous son épaisse protection de fer, le faisaient terriblement souffrir.
Pourtant, tout ce qu’il avait enduré pour atteindre son but n’était plus que du passé : il n’y avait plus qu’un escalier de pierre entre lui et l’objet de sa convoitise. Trouvant la force de se remettre debout, s’appuyant sur sa lourde épée pour se relever, le chevalier commença au plus vite son ascension de l’escalier sous la douce chaleur de la lumière. Ses pas, ponctués par le tintement que produisait son armure, le menèrent en haut des marches, qui devenaient progressivement plus sombres au fur et à mesure où il avançait. Lorsqu’il se trouva en haut de la dernière marche, il comprit pourquoi : posé contre le mur du fond, celui sur lequel l’énorme fenêtre de verre était, se trouvait un énorme lit à baldaquins. Celui-ci, recouvert de draps rouge sang et d’un rideau assorti, bloquait le passage à une partie de la lumière en se l’accaparant, ne la laissant pénétrer que dans le lit. Arrivé près du lieu de repos, le chevalier s’arrêta un moment et empoigna son épée d’une main forte avant de s’avancer lentement.
De sa main libre, il passa lentement ses doigts gantés sur le rideau avant de le déplacer doucement vers lui, révélant ce qui se trouvait sur les couvertures du lit. Le combattant, s’attendant à toute éventualité, relâcha alors sa prise sur la garde de son arme. Ce qui se trouvait sur les couvertures du lit à baldaquins était bel et bien ce qu’il cherchait, à son grand plaisir.
Souriant, l’homme s’approcha des rebords du matelas en laissant le rideau rouge se replacer derrière lui. Il était maintenant entre l’étoffe et les couvertures, dans une sorte de monde écarlate qui ne laissait qu’une lumière diffuse entrer. Cette lumière fut toutefois bien assez claire pour lui permettre d’admirer ce qu’il était venu chercher : sur le lit était étendue une jeune femme d’une beauté à en couper le souffle.
Vêtue d’une robe de la même couleur que la literie, sa peau d’un beige pâle et ses cheveux noirs de jais formaient un plaisant contraste. Son visage impassible semblait dépourvu d’imperfections, comme si il avait été retouché avec précision jusqu’à ce que le moindre défaut en ait disparu. Un nez irréprochable, de longs cils, de longs et minces sourcils ainsi que des lèvres pulpeuses à en faire rêver le plus zélé des templiers. Le jeune chevalier eût une envie folle de lui ouvrir les yeux pour regarder son visage dans son entière beauté, mais se contenta alors du reste du corps pour l’instant. « La galanterie avant tout! » pensa-t-il pour se justifier alors qu’il observa avec minutie les moindres détails de l’anatomie de la jeune femme.
Après quelques secondes de douces rêveries, perdu dans ses pensées mais surtout, dans les traits parfaits de la dormeuse, le chevalier se décida enfin à passer à l’acte. Laissant son épée toucher le sol par la pointe, comme il l’avait fait plus tôt, il se mit sur un genou et plaça ses mains autour de la garde de son arme. Fermant les yeux, son visage vers le bas, il ouvrit la bouche plusieurs fois avant qu’un son n’en sorte. Lorsqu’il réussit à prononcer les premiers mots de son discours, sa voix grave résonna dans la large pièce, portée par l’écho.
« Chère dame» dit-il à la jeune femme comme si celle-ci pouvait l’entendre, «je suis venu vous libérer de cette prison maléfique qu’est ce château. J’ai parcouru une longue distance pour me rendre jusqu’à vous, vaincu de fourbes adversaires et traversé des obstacles mortels. Mes blessures sont nombreuses et profondes, mais je vous assure que la douleur n’est rien en comparaison au bonheur qui me… » Perdant le fil de son discours à force d’enchaîner les mots et les éloges, le guerrier bafouilla pendant un instant avant de se taire. Sans ouvrir les yeux, serrant les dents de frustration, l’homme se rendit compte qu’il avait complètement perdu le fil. « Heureusement qu’elle dort» pensa-t-il, « ou j’aurais eu l’air du pire des crétins!»
Toutefois, ses yeux s’ouvrirent d’un seul coup lorsqu’il crut entendre un bruit non loin de l’endroit où il se trouvait. Un ricanement étouffé, comme si quelqu’un avait pouffé de rire en tentant de se retenir. Levant lentement les yeux en direction de la jeune femme qui était étendue sur le lit, le chevalier se gratta la tête en se demandant s’il avait rêvé. Venait-elle tout juste de rire dans son sommeil?
Levant son genou du sol pour se relever, l’homme s’approcha de la dormeuse pour observer son visage. Le chevalier crut que la douleur causée par ses blessures le faisait divaguer, mais il fut forcé d’admettre que ce qu’il voyait était vrai : la jeune beauté affichait un large sourire sur son visage, sourire qui n’était pas là quelques secondes plus tôt. S’apprêtant à tâtonner son épaule pour voir si elle était bel et bien éveillée, le paladin sentit alors que son pied touchait quelque chose de dur. Voyant qu’il ne s’agissait pas d’un objet en bois qui aurait pu être une patte du lit, l’homme se pencha lentement pour voir ce qu’il avait heurté. Son visage laissant déjà paraître la crainte et la surprise qu’il éprouvait fut déformé de plus belle par une grimace de terreur alors qu’il aperçut se qui se trouvait sous le meuble.
Un bras humain, tranché au niveau de l’épaule, accompagné d’une multitude d’autres membres : jambes, mains, pieds, têtes, dont la plupart n’avaient pas eu la chance d’être sectionnés proprement. Plaquant sa main sur sa bouche pour ne pas vomir, le chevalier se releva pour reculer de quelques pas, mais se cogna la tête contre le bois du lit. Entre la douleur qui assaillait maintenant son crâne et son cœur qui lui remontait jusqu’au bord des lèvres, le combattant n’eût même pas le temps de comprendre ce qui se passait qu’il fut projeté vers l’arrière, comme si quelque chose lui était tombé dessus.
Lorsqu’il reprit conscience de la situation, confus par tous les mouvements brusques, il vit que la jeune femme se trouvait maintenant allongée sur lui, le plaquant au sol. Son visage se trouvait à quelques centimètres du sien, mais il aurait tout donné pour se retrouver plus loin maintenant qu’elle avait ouvert les yeux. Ceux-ci n’avaient rien à voir avec le reste de son corps : ils étaient jaunes et perçants comme ceux d’un chat et brillaient d’un éclat maléfique. Le corps parcouru de frissons, le guerrier tenta de repousser la demoiselle en vain, mais sa force était incroyable.
Ne pouvant se débattre, cloué au sol, il fut obligé d’endurer le regard de la jeune femme qui souriait maintenant de toutes ses dents. Ses canines étaient pointues comme celles d’un vampire, ce qui ne faisait qu’accentuer l’effet de terreur qu’elle créait dans les pensées du paladin. La dame au regard fou contempla l’homme qu’elle maîtrisait pendant quelques secondes, se délectant de son regard terrifié et confus, avant de s’adresser à lui d’un ton moqueur et menaçant. « De quoi t’as peur? » demanda-t-elle d’une voix qui aurait pu être mélodieuse si elle n’avait pas été ponctuée d’une telle malice. « N’étais-tu pas venu pour me sauver? Me ramener chez toi? Me faire la cour? J’imagine que tu es un peu surpris, alors, mais ne t’en fais pas : tes amis sous mon lit pourront tout t’expliquer une fois que tu iras les rejoindre! »
La jeune femme au regard psychopathe passa alors une main délicate dans son corsage, fouillant dans sa robe à la recherche d’un objet qui y était dissimulé. Son coude appuyé sur le torse du chevalier le fit gémir de douleur, appuyant sur une blessure récente se trouvant sous son armure. Trouvant l’objet qu’elle cherchait après quelques secondes, la princesse sortit de son corsage un poignard à la lame effilée en affichant un sourire vampirique bien plus avide de sang que le précédent. L’appuyant délicatement sur la gorge de sa victime, elle se mit à ricaner de nouveau d’un rire à en glacer le sang en profitant du regard affolé du chevalier… jusqu’à ce qu’elle se prenne un coup en plein visage de la part de celui-ci. L’homme, qui avait libéré son bras droit, envoya la demoiselle à la robe rouge s’étaler sur le plancher derrière elle d’un terrible crochet en plein nez avant de se relever avec peine.
Visiblement surprise par l’attaque sournoise, la jeune femme se releva elle aussi en titubant après quelques secondes de confusion. Passant sa main sur son nez dégoulinant de sang, son visage fut déformé par une grimace de colère qui laissait paraître une rage sans limite. « Tu oses frapper une femme? » hurla-telle de sa voix la plus forte alors que le guerrier déglutit avec peine. « Quel genre de chevalier es-tu?» Se jetant sur son adversaire avant même qu’il puisse répliquer, les bras tendus en direction de sa gorge, la princesse folle sauta vers lui. Sa tentative se solda par un nouvel échec alors que l’homme, pris de panique, lui envoya un nouveau coup de poing au visage, atteignant sa joue gauche. Les jambes vacillantes, la jeune femme frotta sa figure endolorie en reculant de nouveau en direction du lit pour s’y laisser tomber. « Tu sors d’où, toi? » hurla-t-elle de plus belle. « Les chevaliers n’ont pas le droit de frapper une femme! T’as gagné ton titre dans un concours de beuverie? »
Aucunement offusqué par les affirmations de la femme à la robe rouge, riant presque de la situation, le guerrier répliqua d’un ton moqueur et confiant : « Ça, c’est ce que les autres cons en dessous du lit t’ont fait croire! » Sa rage attisée comme un feu aspergé d’huile, la princesse se leva d’un bond de son lit et lança à son adversaire une énorme hache de lancer cachée sous les couvertures qu’elle venait de dégainer. Esquivant l’arme d’un pas rapide sur le côté, le paladin vit le projectile passer près de sa tête avant de traverser le rideau recouvrant le lit à baldaquins. Fixant le tissu troué pendant quelques instants, l’homme se retourna ensuite vers la jeune femme pour voir qu’il n’était pas au bout de ses peines : celle-ci souleva la couverture du haut du lit, révélant une dizaine d’armes toutes aussi coupantes les unes que les autres!
La psychopathe en empoigna quelques unes et se mit à les lancer en direction de sa victime, qui les évita tant bien que mal. La plupart des lames alla transpercer le rideau du lit à baldaquins, mais deux couteaux effilés se plantèrent dans le bras gauche du combattant, lui arrachant un cri de douleur. Toutefois, il fut soulagé de voir que son ennemie était à court de projectiles… jusqu’à ce qu’elle se penche pour empoigner les membres tranchés qu’elle collectionnait sous son lit.
Se mettant à les lancer les uns après les autres vers sa cible, la jeune femme continuait de hurler de rage comme une démone dans l’eau bénite. Voyant que les membres qui touchaient le chevalier ne faisaient que l’effrayer, le forçant à mettre ses mains devant son visage pour se protéger, elle empoigna un énorme tibia avant de se jeter vers lui en criant. Ne pouvant éviter la charge de la jeune femme, le guerrier encaissa un coup de l’os sur la tête en même temps que l’impact du plaquage. Tombant à la renverse, propulsé par la princesse enragée, l’homme en armure entraîna le rideau et la furie dans sa chute. Entourés de l’étoffe rouge sang, les deux adversaires roulèrent jusqu’au bas des escaliers de pierre dans une chute douloureuse et saccadée. Malgré la douleur, la princesse ne lâcha pas prise et continuait de marteler son ennemi de coups, le mordant au cou en lui martelant le ventre de son genou.
Parvenant tout juste à se relever, à se débarrasser du rideau rouge qui le retenait comme un filet et de la folle furieuse qui s’accrochait comme une sangsue, le chevalier chercha des yeux son épée qu’il avait échappée dans sa chute. Il l’aperçut un peu plus loin, sur une des plus hautes marches de l’escalier de pierre. S’apprêtant à courir pour la récupérer, il fut alors stoppé brusquement dans son élan par la jeune femme qui s’accrochait avec peine à sa jambe, l’empêchant de bouger...
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| | | Lessien Menka Préparateur de gâteaux aux cailloux
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| Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Ven 30 Juil 2010 - 22:24 | |
| J'aime comment d'un début tout sérieux ça part ensuite dans un gros délire ! XD Mais c'est vrai qu'on sent que celui-ci n'est pas achevé. |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Sam 23 Oct 2010 - 14:30 | |
| J'ai pas lu beaucoup de tes textes à part celui du roi (le premier je crois) et du nécrophile, mais celui avec le nécrophile m'a faite marrer x). |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste Mar 22 Mar 2011 - 15:06 | |
| Wow... Et moi qui lit ça avant un cours de français, dans deux heures, alors que j'viens de me lever. x) Ton texte, j'l'ai jamais lu! Ça m'étonne. x) Il m'a gardé en haleine tout le long et c'est bien ton écriture, ton genre de sacres et ton genre de sujet. Comme d'habitude, rien à ajouter. C'était bon. ^^ |
| | | | Sujet: Re: Page de Miro, l'auteur blasé, ironique et idéaliste | |
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